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Maxime Leboeuf

Entrevue avec Jean-Philippe Baril Guérard



Avec Royal, Jean-Philippe Baril Guérard nous fait vivre la course aux stages des étudiants en droit à travers son regard résolument cynique, voir moqueur. Campé dans une Faculté de droit de l’UdeM d’un réalisme poignant, le second roman de ce jeune auteur québécois a de quoi faire réagir entre nos murs. Le Pigeon l’a rencontré.


Maxime Leboeuf : Pourquoi avoir choisi spécifiquement la course aux stages à la Faculté de droit de l’UdeM?

Jean-Philippe Baril Guérard : Au début, le roman devait porter sur un étudiant en médecine. Je cherchais vraiment à amener le thème de la compétitivité et de la performance avec un personnage voulant exercer une profession libérale. Mais quand un ami m’a parlé de la course aux stages, j’ai trouvé ça fascinant. Cet ami, qui a étudié à la Faculté de droit de l’UdeM, m’en a beaucoup parlé et ce thème s’est peu à peu imposé. Comme je suis obsédé par ce genre de chose, je me reconnais aussi un peu là-dedans.


ML : Voulais-tu en faire le portrait fidèle d’un « courseux » ou plutôt une caricature?

JPBG : Non, c’est sûr que tant qu’à en parler, je voulais bien en parler. Je voulais que ce soit représentatif, au moins pour les évènements que j’aborde. Ceci dit, mon objectif n’est pas non plus de raconter au lecteur ce que c’est d’étudier en droit. Je sais bien qu’un participant à la course aux stages ne représente pas une majorité d’étudiants. C’est une frange particulière, mais tant qu’à l’aborder, je voulais bien le faire. J’ai d’ailleurs fait lire et valider mon roman à plusieurs étudiants en droit.


ML : As-tu écrit ce livre pour qu’il soit lu par des étudiants en droit?

JPBG : Pas du tout. Ceci dit, je voulais quand même qu’ils s’y retrouvent s’ils le lisent. Je me rappelle avoir lu un roman dans lequel un des personnages était comédien et, comme je fais du théâtre, j’ai décroché à cause de petites erreurs factuelles sur sa vie. Je voulais éviter ça.

D’ailleurs, je ne cherche pas à critiquer les étudiants en droit. Je me suis intéressé à ce milieu parce que j’ai le même genre d’esprit de compétition que celui de la course aux stages. Si j’avais étudié ici, j’aurais probablement été le genre de « crackpot » super motivé et obsédé par la course.


ML : Pourquoi avoir fait du suicide un thème central du livre?

JPBG : D’abord, je sais que, statistiquement parlant, c’est un phénomène très présent dans ce milieu. J’ai aussi quelqu’un dans mon entourage qui a eu ce genre de problème, et ça m’a frappé que les études puissent encourager ça. La compétition peut devenir malsaine à ce point-là.

Je crois aussi que ce problème illustre bien la culture problématique créée par la course aux stages. On n’encourage pas du tout les gens à régler ces problèmes parce que, pour toutes sortes de raisons, on finit par ne jamais en parler.


ML : Pourquoi aborder spécifiquement la question des smartdrugs à la faculté?

JPBG : Certains de mes amis en ont pris, et ça m’a marqué qu’on puisse arriver à en abuser. Il y a vraiment un effet d’accumulation, parce qu’on finit par en prendre pour être plus productif, puis pour mieux relaxer. En plus, c’est vraiment facile de s’en procurer. J’avoue aussi que ça me fascine, personnellement, parce que je serais le premier à chercher ce genre de sensation.


ML : Quel détail as-tu trouvé le plus choquant en faisant ta recherche?

JPBG : Les récits des troisièmes entrevues ont vraiment été un choc. Je m’en suis fait raconter plusieurs : un cocktail au Musée des Beaux-Arts, un cours sur l’art culinaire... Voyons donc! Encore pire; j’avais inventé l’activité de paintball comme troisième entrevue, mais on m’a dit par la suite que ça se fait réellement. Je n’en revenais pas. Ça ne s’invente pas : on envoie des étudiants qui font la course aux stages se tirer dessus !


ML : As-tu reçu des commentaires ou des réactions d’étudiants en droit?

JPBG : Pas directement, non. Mais je me suis fait montrer quelques captures d’écran de commentaires d’étudiants en droit à ce propos. Ça ne semble pas mal passer. Il y a quelques jours, je me suis même fait dire que le doyen de la faculté est en train de lire mon roman!

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