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Sofia Panaccio

La face cachée de l'écologie



La préservation de l’environnement semble être un enjeu dont la population a fini par se lasser. Cela fait des décennies que les groupes d’experts, les chercheurs universitaires et même certaines personnalités publiques se prononcent au sujet de l’importance de poser des gestes écoresponsables et d’adopter des habitudes de vie dites « vertes ». Or, est-ce que toute cette saga sur le développement durable a réellement apporté des changements concrets? Depuis sa naissance vers la fin des années 1960 en Occident, l’idéologie de l’écologisme, et plus précisément sa branche la plus médiatisée, le développement durable, ne semble pas avoir mené un grand nombre de projets concrets à terme.


Il est vrai que cette idéologie existait déjà au XIVe siècle et qu’elle a probablement eu la chance de faire ses preuves sous la forme d’un mouvement de pensée qui prônait la préservation de l’environnement. Pourtant, les seules incidences majeures que l’écologie a eues à l’époque dans le monde occidental se résument à des projets de loi plutôt banals. Ces premières actions de nature environnementaliste plus ou moins importantes ont d’abord émergé en France et celles-ci consistaient principalement à adopter des lois dans le but de protéger les forêts des coupes à blanc occasionnées par l’accroissement de l’industrie navale (1). Or, c’est au XIXe siècle, avec l’ère de l’industrialisation et des nouvelles technologies, que le mouvement vert a connu une véritable émergence en Occident. Cette idéologie n’aurait pas pu vivre un tel essor ailleurs dans le monde étant donné que l’écologisme est une préoccupation de luxe. En effet, pour s’inquiéter de la préservation de l’environnement, il faut avoir le temps et surtout la possibilité de réfléchir à autre chose que sa propre survie. Dès lors, le développement durable a été très prisé par la haute société et cela est rapidement devenu gratifiant de se prétendre préoccupé par l’écologie. Cependant, le mouvement vert a-t-il réellement progressé depuis sa naissance? Certains proclament que nous avons réussi à faire de petits changements tels que l’instauration de systèmes de recyclage et de compostage dans plusieurs municipalités du Québec. Certes, de manière sceptique, avons-nous réellement changé quelque chose depuis le XIVe siècle en matière d’écologie, puisque le développement durable récupère les mêmes concepts et dénonce des injustices semblables année après année?


Ainsi, malgré le fait que la pensée verte soit un mouvement à la mode ces temps-ci, certains dénoncent le manque de concrétisation de ces petites et moyennes actions se ressemblant toutes les unes des autres. Le développement durable est-il trop pacifique? Comment peut-on faire une réelle différence alors que des hommes politiques comme Al Gore et Barack Obama, des chercheurs reconnus comme David Suzuki, ainsi que des personnalités publiques telles que Leonardo DiCaprio n’ont rien pu changer en matière d’écologie de manière significative? Pourquoi est-ce si difficile de faire une différence?


Il me semble alors qu’il faille avoir recours à une méthode peu conventionnelle qui permettrait de visualiser le respect de l’environnement d’une manière plus proactive et surtout différente. L’écologie profonde, le mouvement le plus méconnu ainsi que le plus radical de l’écologisme, est une solution envisageable qui pourrait nous amener à concevoir le monde dans une perspective divergente, puisque cette branche du mouvement vert est la plus extrémiste et la moins traditionnelle qu’il soit. À mon sens, l’écologie profonde, aussi qualifiée d’écologie radicale, saura changer les choses en cassant le modèle qu’a instauré le développement durable en Occident. Ce sous-courant de l’idéologie verte soutient que la nature est un tout dans lequel l’être humain a sa place au même titre que les autres animaux. Par conséquent, ce mouvement est dit « écocentrique », étant donné qu’il positionne la nature au cœur de la vie et place l’espèce humaine en périphérie. Donc, aux yeux des écologistes radicaux, l’humain se doit de respecter l’environnement, car il n’en fait partie qu’en tant que visiteur temporaire et non comme utilisateur. Alors, il faut préserver la nature, non pour garantir la perpétuation de notre espèce telle que le veut le développement durable, mais plutôt dans le but de protéger la nature en elle-même. L’écologie profonde s’oppose ainsi catégoriquement au courant dominant de l’écologisme, soit l’anthropocentrisme, mieux connu sous le nom de développement durable. Les idées préconisées par les écologistes qui prenaient part au mouvement écologique anthropocentrique ont suscité à l’époque de fortes réactions. Ces dernières ont mené des individus tels qu’Arne Naess, père fondateur du concept d’écologie profonde, à fonder ce courant radical. À cet effet, Naess, qui désirait l’égalité entre tous les êtres vivants (2), est un écologiste et philosophe d’origine norvégienne qui a grandement contribué à l’émergence de l’écologie profonde avec la rédaction de son livre The Deep Ecology Platform (3). Dans cet ouvrage, Naess soutient qu’il faut poser des gestes radicaux afin de vivre de manière plus compatible avec la nature et les diverses cultures humaines. De manière controversée, il propose d’ailleurs de réduire la population humaine sur Terre, puisqu’il stipule qu’une population trop nombreuse affecte la qualité de nos échanges interculturels et favorise la surexploitation des ressources naturelles encouragée par des concepts comme la mondialisation et le libre-échange commercial. Il faudrait donc établir un changement de cap qui signifie pour les écologistes radicaux d’engendrer une transition entre une société de croissance industrielle en une société qui soutient le développement humain dans ses valeurs et ses cultures.


Les adeptes de l’écologie profonde posent parfois des gestes peu pacifiques et enclins à la controverse. À titre d’exemple, le groupe de militants écologistes Earth First prône la résistance écologique face au drainage des ressources naturelles et à l’industrialisation massive qui, selon eux, mettent en danger non seulement l’environnement, mais également les différentes cultures. Pour promouvoir leur vision du monde, Earth First met en place des évènements plutôt sensationnalistes comme une marche contre le nazisme qui se déroule à La Haye ce mois-ci, ainsi que la publication d’un recueil prônant l’anarchisme en décembre. Il est certain que de tels projets peuvent sembler radicaux pour un simple mouvement écologique, mais c’est justement l’une des particularités des écologistes profonds qui utilisent la provocation à leur avantage. À cet égard, la campagne de financement de ce groupe en question a beaucoup de succès ces derniers temps, puisque leur manière de concevoir la préservation de l’environnement est totalement différente des autres organisations de ce genre et cela pique la curiosité des donateurs excentriques.


Malgré ses idées novatrices et ambitieuses, l’écologie profonde est un mouvement qui s’oppose à l’idéologie dominante dans notre société : le libéralisme. Selon certains, ce sous-courant plutôt radical prônerait même des valeurs se rapprochant du nazisme et du communisme (4). Il est vrai que cela peut paraitre drastique de vouloir chambouler le mode de vie occidental. Toutefois, les écologistes profonds souhaitent uniquement rétablir un équilibre de pouvoir entre la nature et l’homme, et non nécessairement prendre le pouvoir par la force. Par conséquent, vouloir changer le rapport entre l’environnement et les humains ne fait pas de l’écologie radicale une idéologie totalitaire. Certes, la relation qui unie le libéralisme à ce mouvement est assez tendue. Leurs rapports sont davantage un modèle contestataire-dominant, car ce sous-courant de l’écologie défend l’abolition de la vie occidentale et favorise le retour aux méthodes plus traditionnelles, ce qui va complètement à l’encontre des idées du libéralisme et du développement durable. Donc, dans de telles circonstances, où l’écologie profonde ne désire pas uniquement être une idéologie passive, non menaçante et partielle, la conclusion est que cette dernière pourrait et voudrait éventuellement remplacer les valeurs du régime politique dominant en Occident par ses propres valeurs à elle. Cependant, il faudrait d’abord céder une place plus importante à l’écologie profonde avant de prétendre qu’elle déstabilisera notre société. À mon sens, cette idéologie hors de l’ordinaire a des avantages comme des inconvénients, et nous Occidentaux aurions beaucoup à apprendre de cette dernière sans pour autant l’appliquer pleinement et aveuglément à nos habitudes de vie.



1. Sylvie Arend et Christiane Rabier, Le processus politique; environnements, prise de décision et pouvoir, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 2000, p.154.

2. [s.a.], « Naess Arne Dekk Eide », dans Universalis, ed., s.d., consulté en ligne le 27 octobre 2016, http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/arne-dekke-eide-naess/#titre-i_52192.

3. Id, « Naess Arne Dekk Eide ».

4. Fabrice Filipo, « La deep ecology, un intégrisme menaçant ou un libéralisme non-moderne?», Sens public, p. 5, 2010, consulté en ligne le 8 octobre 2016 sur Sens public, http://www.sens-public.org/IMG/pdf/SensPublic_FFlipo_Deep_ecology.pdf.


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