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Nicolas Thiffault-Chouinard

On ne peut rien vous dire


Interrogeons-nous sur la pertinence de nos institutions. N’ayons pas peur de les remettre en question et de demander des comptes. Si nous ne pouvons le faire ici, comment pouvons-nous espérer le faire dehors, auprès de nos élus? À défaut de parler d’actualité, observons ici pourquoi ce texte doit demeurer flou. Questionnons le huis clos, sa nature et son instrumentalisation.


Le 9 janvier dernier, en Assemblée générale, les étudiants de la Faculté de droit ont pris des décisions. Ils ont discuté de sujets importants et voté en conséquence, en fonction de leurs convictions et des arguments de leurs pairs. En temps normal, ce journal devrait pouvoir en parler. Nous devrions pouvoir publier, rapporter les faits. Mais nous ne le pouvons pas. Un quorum suffisant d’environ cinq pour cent des étudiants, soit environ 70 personnes, a pris des décisions et nous, nous ne pouvons pas en parler.


Souveraine, l'Assemblée générale a imposé un huis clos sur les discussions qui ont eu lieu. Ainsi, nous ne pouvons pas témoigner des discussions entourant la mise à jour budgétaire de l’AED, livrée par le trésorier Loïc Sanscartier. Nous ne pouvons non plus témoigner de la discussion qui a eu lieu au sujet du Fonds d’investissement étudiant de la Faculté de droit de l’Université de Montréal, le FIEFDUM. Nous ne pouvons pas en parler parce que ce journal, diffusé dans nos murs et ailleurs, est susceptible d'être lu par le grand public.


Ici, nous devons nous questionner. Qu'est-ce que l'Assemblée générale? Est-ce légitime qu'elle puisse imposer un huis clos alors que le quorum nécessaire pour qu'elle soit « légitime » ne requiert que si peu d'entre nous? Cet organe de direction devrait pouvoir permettre à tous de s’exprimer; or en ce moment, l’Assemblée générale empêche les étudiants de savoir. Certes, il est facile de répondre que ceux qui n’y ont pas assisté se désintéressent de la chose, mais est-ce légitime que leur désintéressement emporte renonciation à savoir, à avoir voix au chapitre? Il n’est pas question d’impossibilité de savoir complète en l’espèce, car l’étudiant absent trouvera le moyen de se renseigner, mais rendre la tâche plus difficile, c’est anéantir la volonté de plusieurs et cela équivaut, dans les faits, à gouverner en silence. Souveraine l’Assemblée générale? Peut-être devient-elle un instrument. Peu à peu, elle ne sert qu’à avaliser les projets qui arrivent de plus haut, alors qu’elle devrait être le lieu où peuvent naitre des projets.


D'ailleurs, qu'est-ce qu'un huis clos si ce n'est une entrave innommable à la liberté d'expression? Il n'y a que peu de bonnes raisons pour fermer les portes d'une assemblée. Ces raisons doivent être impérieuses. Le huis clos devrait être exceptionnel. Il existe pour protéger la dignité et assurer la confiance de ceux et celles qui viennent débattre. Le huis clos doit demeurer un outil pour pondérer ce qui sera repris à l'extérieur afin d'assurer que le débat, à l'intérieur, puisse aller au fond des choses. Nos règlements généraux font brièvement mention du huis clos. On y dit que les procès-verbaux doivent indiquer qu’une partie de la discussion est frappée d’un huis clos. Plus loin, on discute du huis clos lors d’un conseil exécutif public. Nos règlements disposent que le huis clos est interdit dans cette circonstance, en précisant une exception : la « nécessité ». C’est là la seule mention des conditions nécessaires pour frapper de huis clos une discussion. Qu’est-ce que la nécessité? Un beau critère flou, une véritable valise où insérer n’importe quoi qui fait un peu de bruit.


Il est inacceptable que le huis clos soit imposé à presque chaque Assemblée générale, au moins pour une partie. Une question budgétaire est-elle suffisamment impérieuse pour que l'on impose un huis clos? Voilà qui est discutable. Est-ce nécessaire de taire que notre budget s’élève à un montant X? Nous sommes d'avis que non. Or, un fameux argument revient toujours : cela pourrait nuire à la récolte de commandites si les détails de nos budgets venaient à être connus du grand public. Cela pourrait nous être préjudiciable si d'autres associations venaient à connaitre les détails de nos finances. Arguments ridicules? Peut-être. Mais ici ce qui est important, c'est l'instrumentalisation d'une règle de procédure exceptionnelle hautement antidémocratique, le huis clos, à des fins politiques. Que faut-il faire primer, la facilité à récolter des commandites et organiser des évènements ou la transparence? Pour une association financée par ses membres, la réponse nous apparait évidente.


Voilà tout ce que l'on peut en dire de cette Assemblée générale du 9 janvier dernier, c'est-à-dire rien de plus que l'ordre du jour et quelques points de procédure. Douloureux de devoir se taire alors que des enjeux très importants ont été soulevés et qu'il y a place à débat à propos d'au moins l'un d'entre eux, l'avenir du FIEFDUM.


À ce sujet, rappelons ici que le FIEFDUM est financé par la Faculté, mais aussi avec un FIO, un frais institutionnel obligatoire, c’est-à-dire l’argent des étudiants. Argent prélevé à même la facture étudiante, versé au fonds par un jeu de vases communicants entre l’AED et la Faculté. Ce fonds, créé aux alentours de 2008, finance en partenariat avec la Faculté et le CDP certaines initiatives étudiantes, notamment les imprimantes réservées aux étudiants en droit à la Bibliothèque de la Faculté et qui permettent d’imprimer à peu de frais en apportant son propre papier.


Pour en savoir plus, il faudra vous déplacer. Pour savoir, il faudra demander. En tant qu’étudiantes et étudiants membres de l’AED, vous avez le droit de consulter les procès-verbaux des assemblées. Bien que ceux-ci devraient être diffusés sur le site web de l’Association, le plus récent remonte à novembre 2015, moment où l’Assemblée avait discuté de l’adhésion de la FAÉCUM à l’Union étudiante du Québec. Les procès-verbaux des assemblées de 2016 ne s’y trouvent pas encore, chose relativement troublante, mais excusable. Après tout, rappelons le caractère bénévole de l’engagement de nos exécutants. La diffusion publique du procès-verbal de l’AG du 9 janvier 2017, lorsqu’elle aura lieu, sera censurée, mais une version complète est disponible, sur demande, auprès des exécutants de l’AED. Demander à savoir n'est pas un luxe. Connaitre ne devrait pas être l'exception, le huis clos oui.

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