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Nicolas Thiffault-Chouinard

Paradoxale bousculade


Il se bouscule des idées. Entre ces murs, des idées, pour tous les esprits, se cultivent, s’entretiennent et circulent. Elles tirent dans tous les sens, se forment, se déforment, se nuancent. Dans ce bouquet, tenter de tirer le vrai du faux est un exercice difficile. Chercher est un travail à plein temps.


À l’heure de coucher ces lignes sur le papier, la ville dort encore. Ma petite ville de banlieue est endormie, mais je suis aux affaires. La nuit n’est pas morte, mais le jour n’est pas né. Il y a, à l’aube, une lumière triste et joyeuse, une couleur d’espoir. L’aube, pour écrire vraiment, il n’y a pas meilleur moment.


Toutes les idées, à l’aube rouge sur la plaine de l’hiver glacial et bleu, me semblent claires. Je sais, alors, distinguer toutes ces idées qui frappent les sentiments. Lorsque j’entends certains de mes distingués collègues faire l’apologie de la dictature éclairée alors que d’autres voudraient abattre toutes nos institutions et mettre le peuple au pouvoir, je leur réponds avec un sourire amusé. J’ai foi en l’être humain.


Les convictions seraient-elles donc des sentiments? J’avançais le verbe « croire » pour exprimer mon attachement à la liberté. Un collègue a soulevé, au sujet de ce verbe, un doute. Une forte opposition à dire vrai. Il m’a accusé de ne rien dire en parlant ainsi. À ses yeux, ce verbe devait être évacué. Négation de toute science, « croire » serait un refuge facile pour l’esprit.


Croire, est-ce avant tout refuser de savoir? La phrase : « Je crois au libéralisme économique » serait-elle une dérive du langage qui ne vaudrait donc rien? Peut-être. Or, les grandes idées ne sont-elles pas sentiments? Nos plus grands idéaux ne sont-ils pas détachés de notre raison? Existe-t-il plus forte motivation que celle qui plonge au plus profond de notre âme? Dangereux n’est-ce pas? En appuyant sur les bonnes touches, on pourrait jouer la bonne symphonie pour me faire danser. C’est une grande faiblesse que d’être si près de ses idées, surtout lorsque les idées se mélangent. Faiblesse, certes, mais je suis d’avis qu’il n’y a pas plus grande force. Le bouclier du doute à la main, pour se protéger de la manipulation insidieuse, le chevalier armé du glaive de la conviction sera toujours le vainqueur face à celui qui n’observe que la raison. La science entre par la porte du doute. Armé du doute et de la conviction, on peut écrire, car ensemble ils se pondèrent, se répondent, s’accordent.


Ce n’est donc pas, à mon sens, un abus de langage que d’écrire le verbe « croire ». Avoir foi en l’être humain, ce n’est pas une phrase vide. Tenir des propos venant du fond de notre cœur, à l’ancre dans la mer de notre âme, rien n’est plus sincère. Si l’on ouvre la porte au doute, on pare aux pires attaques tout en conservant la force du fou, mais voilà, sans sa folie.


Entre tous, les propos hypocrites sont les plus délétères. Il n’y en a pas de plus dangereux. Utiliser la fausse sincérité, manipuler les gens, les trahir. C’est là la méthode de ceux qui, des convictions, ne veulent que tirer le pouvoir. En revanche, la recherche déconsidérée de la vérité, à l’aube de la vie, est un chemin douloureux. La constante impression d’être mené en bateau, mêlée au difficile apprentissage de la navigation est un chemin semé d'écueils. Il n’y a que le doute pour se prémunir.


Il n’y a que le doute pour ne pas sombrer tout en demeurant le capitaine de son esprit. Il serait bête et stupide de n’être qu’un passager de notre temps. Ce serait un grand gâchis que de se laisser porter et regarder la mer du troisième pont d’un transatlantique piloté par d’autres. Faites de la voile chers collègues! Descendez du train en marche et prenez le bâton du pèlerin. Allez voir la rivière et le sentier où personne ne va. La vérité est plurielle, les idées sont innombrables.

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