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Corinne Baillargeon

Une tempête médiatique exemplaire



Les médias de masse carburent au sensationnalisme, aux nouvelles éclatantes. Un des derniers exemples en date est le traitement médiatique d’Irma, ouragan qui a récemment frappé le sud des États-Unis, en particulier la Floride. Les médias québécois ne se sont pas contentés de relayer l’information qu’un ouragan s’apprêtait à frapper nos voisins du sud, ou de faire quelques reportages. Nous avons littéralement été noyés (pour ne pas faire un mauvais jeu de mots) sous les chroniques et reportages sur Irma. Des équipes ont été envoyées sur le terrain pour couvrir l’événement en temps réel. Radio-Canada a même fait un programme spécial sur la tempête un samedi après-midi. La Presse y est même allée d’un article : « Airbnb au temps des catastrophes ». L’ouragan a pris en otage le paysage médiatique québécois et la quantité prévalait largement sur la qualité. Certaines interventions de scientifiques ont évidemment été pertinentes et cette couverture de l’ouragan a permis à un plus large public de comprendre les changements climatiques et a continué de rendre la tâche des climatosceptiques de plus en plus difficile. Cependant, le cirque médiatique qui a entouré Irma n’était pas justifié dans une optique d’information et d’éducation du public.


Je ne saisis toujours pas pourquoi les médias cherchent à rejoindre « Ginette », Québécoise qui vit en Floride la moitié de l’année, pour lui demander son avis sur l’ouragan. En quoi cela est-il pertinent ? Pourquoi ne pas demander à « Kelly », Américaine qui vit à temps plein en Floride ? Le drame humain qui se joue lorsque l’on perd sa maison dans une catastrophe n’est pas plus grand si c’est une Floridienne qui le vit que s’il s’agit d’une Québécoise. Cela ne vient aucunement me rejoindre et je suis toujours aussi perplexe quant à l’obsession des médias de toujours interviewer la Québécoise qui se trouve à l’endroit d’un drame.


Dans une optique plus large, l’envoi de journalistes dans l’ouragan est le comble d’un voyeurisme médiatique qui carbure aux nouvelles faciles et aux coups d’éclat. À quoi cela sert-il d’envoyer un journalisme dans l’œil de l’ouragan si ce n’est que pour faire de la « bonne télé » ? Lorsque l’on regarde un journaliste plier en deux à cause des forts vents, nous n’apprenons rien que nous ne pourrions pas apprendre par nous-mêmes. Il s’agit d’un divertissement pur et simple (la parodie de Jean-René Dufort est d’ailleurs excellente !). Je n’ai évidemment rien contre le divertissement, au contraire. Cependant, ne faisons pas croire aux gens qu’un journaliste dans l’ouragan est une nouvelle.


Finalement, je ne peux parler de l’ouragan sans souligner l’hypocrisie des médias quant à la couverture des catastrophes naturelles sur le globe. Les médias québécois couvriront les catastrophes naturelles qui se produisent aux États-Unis ou dans les destinations prisées des Québécois (les caraïbes), mais ne se préoccuperont à peu près pas des centaines d’autres désastres naturels qui ont eu lieu, telles les moussons dévastatrices de cette année au Bangladesh. Certains me répondront qu’il est normal que les médias s’intéressent plus à ce qui se passe géographiquement proche de nous. Cela n’est pas faux. Seulement, je trouve qu’il y a un énorme décalage entre la couverture que l’on fait des catastrophes naturelles aux États-Unis versus des catastrophes beaucoup plus meurtrières en terme de vies humaines qui se produisent ailleurs sur le globe. Arrêtons de donner au lecteur une si petite perspective internationale sous prétexte que ce qui n’est pas proche de lui ne le touchera pas. Offrons-lui le choix d’une couverture plus large et complète au niveau international.


Bref, la (sur)couverture québécoise de cet ouragan est quant à moi le résultat d’un acharnement des médias qui tirent profit des tragédies qu’ils souhaitent bien nous montrer et démontre une fois de plus le peu de profondeur et de sujets de qualité qui nous sont offerts. Médias de masse québécois, vous m’avez encore une fois bien déçue. On aurait tout à gagner à remplacer des articles sur Irma par une couverture de la situation actuelle en RDC ou au Yémen. Cessez votre américanocentrisme et ouvrez-vous davantage sur le monde.



Photo: https://www.thesun.co.uk/news/4433025/hurricane-irma-latest-florida-storm-cnn-journalist-goggle-video/

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