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Alexandrine Sioui

La guérison par l'art



Le mois dernier, les productions Menuentakuan présentaient leur deuxième pièce au théâtre Denise-Pelletier; Là où le sang se mêle. En langue innue, « Menuentakuan » signifie « prendre le thé ensemble, se dire les vraies choses dans le plaisir et la bonne humeur », ce qui est la mission que s’est donnée cette nouvelle entreprise d’arts de la scène. Dès l’entrée dans la salle de théâtre, qui est aménagée en forme de cercle, on remarque une ambiance qui semble favoriser un espace de partage, de rencontre entre les différentes réalités culturelles et qui, par le fait même, encourage la compréhension. Dès le début du spectacle, on constate rapidement que les acteurs, ainsi qu’une aînée autochtone, sont assis parmi les auditeurs et prennent eux aussi part au cercle.


La pièce aborde le sujet difficile des pensionnats autochtones et des cicatrices qu’un séjour dans ces endroits a laissées sur les différentes communautés. La représentation s’ouvre sur l’histoire de Floyd et Quêteux assis dans un bar. Ce sont principalement ces deux autochtones qui partagent leur quotidien que l’on suit tout au long de la pièce. Malgré les sujets légers qu’ils abordent, on entrevoit autre chose : les blessures profondément ancrées, qui continuent de les affecter et de dominer leurs actions. Rires et pleurs se succèdent partout dans la salle au fil de l’histoire qui se développe en dévoilant peu à peu l’ampleur des blessures. Les personnages sont criants de vérité et racontent leur histoire avec émotion et retenue, ce qui en dit parfois encore plus long.


La pièce illustre également la recherche d’une culture dont les personnages ont été dépouillés. À travers leurs souvenirs, ils se remémorent les récits contés par leurs grands-parents qu’ils dépeignent avec nostalgie. Quand Christine, la fille de Floyd qui a été enlevée par les services sociaux à l’âge de 6 ans, contacte son père pour le rencontrer et renouer avec sa culture, plusieurs membres de la communauté entrevoient ce moment comme étant une chance pour un nouveau départ. L’on assiste alors à l’éveil de la communauté qui constate l’ampleur des évènements qui sont survenus depuis les 20 dernières années alors que Christine était absente. Lorsque son père Floyd s’effondre saoul et en pleurs, c’est l’aînée autochtone qui se lève de son siège pour vider la bouteille d’alcool qu’il tient dans ses mains. C’est alors que le public, ému, participe à la performance d’un rituel de guérison. Cette même aînée est celle qui, à la fin de la représentation, se lève et demande de recueillir les mouchoirs qui ont été utilisés durant la pièce en expliquant qu’ils seront brûlés au printemps. Ce rituel vise également la réconciliation puisque les larmes tombées ont nettoyé ceux qui les ont versées.


Là où le sang se mêle illustre l’importance de donner un espace à l’art autochtone dans notre société afin de permettre à ces gens de raconter leurs histoires qui doivent être entendues. Enfin, à l’ouverture de la discussion qui suit chaque représentation, l’aînée mohawk qui était présente lors de la première a conclu en rappelant que « c’est dur de voir cette pièce-là, mais c’est encore plus dur quand c’est ça que tu as vécu ».


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