Une raison
- Nicolas Thiffault-Chouinard
- 27 sept. 2018
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Un texte de la belle-mère en résidence, membre honoraire et grand admirateur du Pigeon devant l’Éternel.
Si certains - et certaines - ont pu me voir, dans mes plus vieux vêtements, faire le singe en feignant d'être un professeur de cette faculté, il n’en est rien. Je suis un petit bonhomme, à peine diplômé de cette université que j'ai détestée pendant trois ans, mais qui - depuis peu - me manque. Je l'admets, je suis nostalgique et mérite le titre de hasbeen. Car oui, been there, done that, saw the musical and bought the t-shirt. (Rouge pour ma part, car la A demeure la meilleure section.)
Or, la présente n'est pas une complainte nostalgique sur les belles années passées au baccalauréat, mais une mise en garde. Un homme sage m'a un jour dit: « Nicolas, ne prend aucun conseil pour argent comptant. » Je ne l'ai pas écouté, croyant ainsi mettre en échec sa jeune sagesse. Mais me voilà à l'angle de Lacombe et Gatineau, à boire, Gerry dans mes oreilles et les lettres de Ferry entre les papiers, sur la table. Trois ans passés dans Côte-des-Neiges. J'écris en regardant, en surplomb, des êtres humains entreprendre ce chemin où j'ai cheminé. Je me demande.
Pourquoi ai-je donc continué dans ce chemin sinueux, moi, qui ai pourtant été formé à l'expression concise des sciences exactes et qui trouve dans les mathématiques l'essence même du concept de la beauté? Pourquoi le droit? Pourquoi avoir continué après une première session éprouvante, une première année ordinaire et une deuxième année dramatique? Pourquoi, donc?
Parce que le droit est l'outil de prédilection des nantis, des puissants et des vilains pour asseoir leur domination sur les hommes comme mon père, sur les femmes comme ma mère. Les gens, compris dans l'expression noble qu’elle est pour moi. Le droit est la meilleure manière de faire de la politique, sans être politicien - ou du moins sans tomber dans les pièges de ce sport de contact. La pratique du droit évoque en moi l’idée noble de l’arbre qui croît doucement, faisant avancer les droits. Nous ne sommes que les gardiens de cette forêt; au mieux, des sylviculteurs.
Encore, bien qu’elles permettent de mettre au jour faits et connaissances, les sciences exactes ne permettent pas de se plonger avec toute l'assurance nécessaire dans les choses de la cité. C'est ce qu'il faut faire pour se battre.
Elle est là, la raison. Ainsi, je suis devenu un gentil vilain. Aujourd'hui, « à gauche y'a tous mes nantis, à droite y'a tous mes p'tits pains » et je suis juriste envers et contre tous. Parce que le droit devrait appartenir à tout le monde. Il n’y a pas de raison pour abandonner, car cette formation formidable est un puissant levier pour accomplir tout ce dont vous avez envie. La raison donc, pour laquelle je suis demeuré ici? Je répondrai par une question: où ailleurs aurais-je appris à me battre avec autant d’adresse?