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Camille Desmarais, Comité des Arts de la Faculté

Un café autour de l’odeur automnale réconfortante des feuilles (de papier…?)

Lundi 13 août 2018 : grande finale du concours « Auteurs Académie » organisé par la Fierté littéraire. Agglutinés sur les tabourets du Bar le Cocktail sur l’emblématique rue Sainte-Catherine à la hauteur des petites boules de Noël d’été arc-en-ciel, on sent planer dans l’air épais et sombre du bar un mélange de nervosité et de « fierté ». Ce soir-là, Étienne Beauséjour, un étudiant de troisième de notre faculté est sacré gagnant. Outre la joie de voir son talent reconnu, Étienne gagne la publication d’un premier roman ou recueil de nouvelles chez Bouquinbec.


Depuis cette folle soirée, l’université a eu le temps de reprendre, le quotidien de se réinstaller, la température de jouer au yo-yo, et nous voilà face à face assis dans un charmant petit café de quartier bien au chaud alors que le vent frisquet d’automne chatouille nos fenêtres. C’est que le CAF est bien intrigué par cette plume très discrète qui se cache dans les couloirs de notre faculté. On échange un petit regard à la fois complice et embarrassé : amis dans la vie, on jase rarement de manière aussi officielle. Petits hochements de têtes ponctués d’un « Bon! » déterminé et d’une gorgée de café. J’ouvre l’enregistreuse de mon téléphone et on se lance dans l’univers d’Étienne, de la littérature et des arts.


Qu’est-ce qui a allumé chez toi la flamme de l’écrivain ?

Je dirais que c’est héréditaire : j’ai pas mal vu mon père écrire toute ma vie. Du moment où j’ai eu un traitement de texte entre les mains, j’ai écrit : d’abord en plagiant presque, il ouvre des guillemets imaginaires et rit un peu : pour lui-même et peut-être un peu de lui aussi. Disons que je m’inspirais des contes et des histoires que je connaissais, je transcrivais pratiquement. Au final, ça me permettait quand même d’écrire. Et c’était un passe-temps qui délivrait, ma tête débordait d’idées et au fil du temps, mes écrits devenaient de plus en plus les miens, vraiment plus mes histoires, une pointe de fierté, peut-être de nostalgie.


Comment te décrirais-tu en tant que le lecteur ?

Ah je ne lis vraiment plus autant qu’avant, sourire mêlé à un soupir triste – non, résigné, plutôt. Pourtant j’ai toujours dévoré les livres, c’est ce qui m’a permis de trouver un style. Enfin, un style qui a évolué et qui évolue je crois : au fil de mes lectures, de mes apprentissages. Quand j’étais jeune, je dirais que j’étais un lecteur très niché. J’aimais beaucoup le « fantasy », ce qui sortait de notre univers : je lisais absolument tout ce qui se faisait. On sent comme une étincelle dans ses yeux : définitivement un cœur d’enfant. Par contre, je crois que je me suis quand même ouvert avec les années : j’essaie de lire un peu de tout.


Aussi, je suis vraiment émotif comme lecteur, comme cathartique. Il y a des choses qui me touchent vraiment plus que d’autres. Je me souviens avoir ouvert des livres puis les avoir refermés au bout de quelques pages seulement parce que c’était trop confrontant. Il rit un peu, peut-être se trouve-t-il un peu ridicule ? C’est ce qui est arrivé avec la série Léonis : le personnage principal dans les premières pages du livre était séparé de sa petite sœur. Je n’ai réussi qu’à le lire plus tard dans ma vie. Ce qu’il ne dit pas c’est qu’il a deux petites sœurs. Bref, je dirais que je suis pas mal dans l’immersion.


Pourquoi avoir choisi de participer à ce concours en particulier ?

Pour être honnête c’est une amie qui m’a parlé du concours, autrement ça me serait complètement passé sous le nez. Mais ça m’a donné la petite tape dans le dos qu’il fallait pour me remettre à écrire, et surtout pour me mettre à écrire sur la Communauté. Je crois qu’un concours comme ça est surtout important, car il permet de mettre de l’avant une littérature existante, mais trop méconnue et marginale. Et je crois qu’il y a vraiment intérêt à la faire gagner en popularité parce que dans le fond, oui elle vise la Communauté, mais elle nous vise tous : je pense sincèrement qu’on peut tous s’y identifier. Je pense que ça m’a plu d’écrire dans ce contexte parce qu’il s’agit un peu d’un terrain vierge. Je peux changer plusieurs choses. En ce moment, la Communauté n’est pas très présente dans l’univers fictionnel et lorsqu’elle l’est, elle est souvent clichée et il n’est pas toujours facile de s’y identifier. C’est encore plus vrai dans la littérature jeunesse. Il s’emballe, commence à s’exprimer avec ses mains, on touche quelque chose d’important. Moi, je veux écrire sans étiquette : forcer l’enjeu sans le forcer. J’aimerais que la réalité de la Communauté soit dépeinte, mais dans un cadre qui n’est pas nécessairement celui de l’adversité, qu’on puisse s’identifier à des personnages qui possèdent une certaine complexité, tout en communiquant des messages universels.


Trouves-tu l’art accessible dans notre société en tant que personne qui consomme du contenu culturel ?

Je dirais oui et non. En tant que consommateur, on serait porté à croire que l’art est plus accessible que jamais, qu’on est écrasé par une telle quantité de contenu. Parfois, j’ai comme une angoisse qui me prend en naviguant sur Netflix : tellement de choses à voir que je n’aurai jamais le temps de passer à travers. En même temps, quand on y pense vraiment, on a plutôt certaines formes d’art, comme les médiums cinématographiques et télévisuels qui écrasent les autres formes d’art par leur densité de contenu. Je pense qu’on peut parler d’une hiérarchisation indue des arts, un peu. Bon, la littérature est encore assez abordable et perçue comme tel avec des prix encore bas et des bibliothèques. Mais pour d’autres formes d’art, on a une vision qu’on pourrait qualifier de mercantile. Moue, semble hésiter sur le terme. Comme une certaine forme de snobisme : l’opéra, le théâtre, c’est une certaine classe sociale qui en profitent majoritairement. J’ai l’impression que ça entraîne une stigmatisation de ces formes d’art chez les jeunes qui y participent moins. Et pourtant ce n’est pas la volonté qui manque de la part des institutions culturelles, on pourrait parler de la politique « ton âge, ton prix » du théâtre Duceppe, des soirées Clair-Obscurs du MBAM et des Nocturnes du MAC. Oui, je crois qu’au final il y a au moins une volonté de démocratisation de l’art.


Un mot pour les lecteurs ?

Il fronce les sourcils, passe ses doigts dans ses cheveux, réfléchit. Qu’ils ne perdent rien à essayer l’écriture. Que c’est très gratifiant et libérateur. Ne serait-ce que pour eux : de sortir du droit et de voir qu’on peut faire autre chose en même temps. Il faut le faire, pour soi : juste s’écouter. Et la créativité ça se travaille. Non ce n’est pas que ce soit nécessairement pour tout le monde, mais on ne perd rien à se donner juste une première ligne et se laisser aller. Sourire franc et sincère.


Et c’est ce qui a conclu ce pittoresque petit échange autour d’un café. En espérant que cet échantillon de nos babillages vous a plu ou vous a même donné le goût d’aiguiser vos crayons (ou d’ouvrir vos traitements de texte, on est quand même en 2018). Nous vous laissons sur un des textes qu’Étienne a écrit dans le cadre du concours, texte particulier, puisque 10 mots lui était imposés, saurez-vous les trouver à la première lecture ? Sinon peut-être pourriez-vous lui demander lors d’une rencontre du club de lecture du CAF qui pointera bientôt le bout de son nez dans vos agendas …! Bonne lecture !


19h30. J’attends. Mon téléphone vibre. Ma date descend du train, il arrivera dans 20 minutes. Je ne réponds pas. Je jette mon téléphone au pied du lit.

19h35. Je doute. Pourquoi avoir accepté de le revoir ? Ce n’est pas que je n’aie rien ressenti la première fois, mais ce n’était pas le coup de foudre. Peut-être un frisson, tout au plus. À moins que ça n’ait été que le vent. Le problème, c’est que pour lui, c’était différent. Je l’ai vu à ses yeux de velours mouillé. J’ai préféré faire semblant, comme toujours. Une ou deux fois de plus, qu’est-ce que ça change ? Tout pour éviter l’océan de pleurs et de douleur qui se déverserait sur moi.

19h40. Je panique. Je bondis sur mon téléphone pour annuler, puis me ravise. Pourquoi ne pas lui laisser une chance ? Il est charmant, drôle, visiblement amoureux de moi. Pourquoi repousser tous ceux qui veulent plus ?

19h45. J’étouffe. J’ai l’impression qu’un couteau appuie contre ma jugulaire. C’est lui qui le tient. Son sourire m’est insupportable. Je craque. J’annule.

J’ai l’urgence de vivre, pas l’urgence d’aimer. Je suis une rose aux épines tue l’amour.



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