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Grecia Esparza

Vers « el Norte » pour sa famille


Un voyage dans le pays natal avec une bonne amie et une rencontre inespérée ont fait de cette « semaine de lecture », une semaine particulièrement mémorable.


Dans l’avion vers le Mexique, le passager à ma droite n’a qu’une seule intention, parler avec cette jeune femme aux traits familiers l’ayant salué dans sa langue maternelle.

Ceux qui me connaissent savent très bien que mon temps de sommeil est sacré, je ne suis donc pas d’humeur d’entamer une conversation avec un inconnu dans ce vol de nuit. Mes écouteurs aux oreilles ne le découragent pas, il insiste. Son sourire aux lèvres est assez convaincant, je cède. Et je me prépare pour une longue nuit.

Il s’appelle Antonio. J’apprends aussi qu’il vient du Guatemala et qu’il est au Québec depuis 8 mois pour travailler dans les champs de légumes à Saint-Rémi.


- « Qu’est-ce qui te motive à venir travailler ici, aussi loin de ta famille ? »

- « Ma famille »


Point. Rien d’autre que sa famille.


Le 12 octobre à San Pedro Sula en Honduras, cette même raison pousse des centaines de personnes à entamer une longue marche vers « el Norte », vers la terre promise comme certains l’appellent. Le mouvement est complètement improvisé, leur trajectoire est discutée sur un groupe Whatsapp sous le nom de « Caravana Occidente » ou d’autres groupes Facebook. Des centaines de Honduriens quittent chaque semaine vers le Nord, mais cette fois-ci, ils le font en groupe espérant avoir plus de chance de se rendre à leur destination finale.


Avec un taux de pauvreté de 64.3%, le Honduras est aussi l’un des pays les plus violents du monde hors des zones de guerre avec un taux d’homicides de 56.5 par 100 000 habitants (à titre comparatif, il est de 1.6 au Canada). Ils fuient donc la pauvreté et la violence qui frappent ce pays depuis de nombreuses années. Leur peur est tellement grande, qu’il est devenu préférable de risquer sa vie en chemin que de mourir violemment dans leur pays.


Sur leur route, des Guatémaltèques et des Salvadoriens se sont joints à la caravane, toujours dans l’espoir d’une vie meilleure. Le groupe est composé majoritairement de jeunes hommes, mais on y retrouve aussi des femmes et des enfants. Depuis plus d’un mois, des milliers des migrants marchent donc vers le Nord. Avec tout ce que cela implique, dormir dans des parcs, manquer de nourriture, un accès limité aux toilettes, pour ne nommer que quelques-unes des situations auxquelles ils doivent faire face quotidiennement.


Ce mouvement migratoire survient à la veille des élections de mi-mandat aux États-Unis. Trump n’hésite donc pas à dénoncer leur imminente arrivée en les qualifiant des «envahisseurs». En outre, il annonce le déploiement de 5000 soldats à la frontière avec le Mexique, affirmant qu’ils seraient libres de tirer sur les migrants qui leur lançaient des pierres. Le gouvernement Trump a aussi annoncé que les conditions pour déposer une demande d’asile seraient changées. De ce fait, les migrants n’étant pas rentrés en sol américain par un point d’entrée officiel ne pourront pas déposer une demande d’asile.


Le discours anti-migratoire reprend avec une telle virulence que je croyais, naïvement, impossible. À un point tel, que même la chaîne Fox a refusé de diffuser une vidéo produite par la Maison Blanche, qui décrit les migrants comme une menace en les associant à un criminel mexicain.


Au moment d’écrire ces lignes, la caravane s’est dispersée, entre 800 et 900 sont arrivés à Tijuana, à la frontière avec les États-Unis. Et on est très loin de l’invasion décriée par Trump.


Qu'est-ce qui pousse une personne à tout quitter ? À laisser derrière elle sa famille, ses repères? Parce que peu importe le moyen par lequel l’on décide de quitter, ta vie doit fitter dans une valise de 23 kilos ou le poids que tu seras capable d’endurer sur tes épaules.


Avant qu’on se quitte, Antonio me dit : « Je reviens dans 4 mois. Et je suis prêt à recommencer n’importe quand pour ma famille ».





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