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Jordana Khouah et Emilie Doyon

Changer d'approche


Il est 6h17, mercredi le 30 janvier. Je suis dans le métro pour revenir chez moi; je sors mon téléphone, j’ouvre l’application « notes » et j’écris. Je viens de quitter l’assemblée générale où nous avons discuté du carnaval et de la table ronde sur la situation des femmes à la faculté, deux évènements auxquels j’ai participé. J’y suis allée avec un but en tête: discuter d’un point que j’avais amené à la table ronde, soit celui de mettre en place une politique empêchant les étudiants en position d’autorité, (les boosters lors des activités d’accueil ou les juges lors du Carnaval) d’avoir des relations sexuelles avec les participants aux activités de 1ère année durant les semaines d’activité.


Je me questionne pour savoir pourquoi et comment notre faculté a évité de suivre les initiatives des autres universités en ville quant aux politiques de protection des étudiants durant ce genre d’activité. Il ne faut pas nier le progrès que nous avons fait (il y a tout de même une raison pour laquelle on ne discute plus d’initiations, mais bien d’activités d’accueil) et pourtant, nous restons tout de même enracinés dans une mentalité démodée qui peut mener à de graves conséquences.


Mettons quelque chose au clair. Il ne s’agit pas en l’espèce d’une politique qui vise à éliminer ou même à limiter les relations sexuelles consentantes entre les participants aux activités ou encore entre les juges/boosters et tout autre membre de l’université qui ne participe pas aux activités. Cette politique ne viserait que les relations sexuelles entre les étudiants en position d’autorité, soient les juges ou les boosters, et les participants, et ce, seulement durant les activités.


J’ai premièrement introduit le point à l’AG en expliquant que cette politique a déjà été mise en place à Concordia et à McGill. Un grand nombre des associations étudiantes de ces universités ont des politiques écrites qui incluent des règles de comportement entre les « frosh leaders » et les participants, notamment l’interdiction de relations sexuelles, ainsi que des sanctions prévues en cas de non-respect (voir : Orientation Week Committee Policy, EUS of McGill University art. 5.1.2.2; Science Undergraduate Frosh Policy of McGill University art. 6.3.2).


Bien que je ne m’attendais pas à l’unanimité quant à cette proposition (il va de soi qu’une mentalité qui a persisté aussi longtemps ne puisse être changée en quelques heures lors d’une AG), les réactions que ça a suscité m’ont laissée bouche-bée. Il me semble juste de les adresser.


La discussion a été courte et je ne prétends pas qu’elle soit représentative de l’opinion de tous les étudiants de la faculté, mais parmi les trois personnes qui ont eu un tour de parole, toutes les trois avaient une opinion concordante: (1) cette politique empêcherait des personnes qui s’aiment ou du moins qui ont une très forte attirance de prendre part à des relations sexuelles, (2) la politique n’aurait aucun effet puisqu’il serait impossible de surveiller tous les juges à toutes les heures durant toute la semaine et (3) il est inapproprié d’interdire à des adultes consentants d’avoir des relations sexuelles.


Je reconnais que les relations sexuelles sont une partie normale et saine de la vie adulte, et je ne demande pas aux juges de porter une ceinture de chasteté pour le reste du bac. Cependant, il importe de mettre l’accent sur le fait que les activités d’accueil et le carnaval ne sont pas des évènements pour les juges, mais bien des évènements pour les étudiants de 1re année. Un juge doit pouvoir se dissocier de sa personne pendant 4 jours, comprendre qu’il joue un personnage dont le rôle est de réunir les étudiants et de créer une ambiance positive et mettre de côté ses pulsions sexuelles (pour 4 jours!) afin d’assurer un environnement sain et sécuritaire. Je n’allègue pas que les juges et les boosters ne devraient pas s’amuser. Ou encore qu’ils devraient veiller à la sécurité de tous et chacun (nous sommes tout de même tous des adultes responsables de notre personne). Par contre, il me semble complètement aberrant que l’on prête autant d’importance à leur confort et amusement, au détriment de celui de certains participants vulnérables, notamment de jeunes femmes intoxiquées.

De plus, je tiens à mettre l’accent sur le fait que cette politique n’affecte que 9 personnes durant le carnaval et une douzaine durant les activités d’accueil, pendant seulement 4 jours, et elle ne les empêche pas d’avoir des relations sexuelles avec tout autre personne qui n’est pas un étudiant de première année qui participe aux activités. À première vue, la politique peut sembler drastique, mais l’est-elle vraiment ?


Lorsque le second argument a été présenté, tout ce que j’entendais était « pourquoi essayer de régler un problème s’il y aura toujours des anomalies qui ne respecteront pas les règles mises en place » ? Je crois que si le législateur avait la même logique, le nombre de lois serait grandement réduit. Personnellement, il ne me semble pas déraisonnable d'espérer que des étudiants en droit respectent une politique par simple bonne volonté et sans devoir être surveillés à tout moment.


Soyons clairs. Le plaisir sexuel n’est pas quelque chose à se reprocher. Il ne s’agit pas ici d’une propagande anti-sexe. En effet, je comprends que les relations sexuelles font partie de la culture de “party”, mais il faut regarder la légitimité (et même la légalité) des relations sexuelles dans lesquelles se trouve une dynamique de pouvoir comme celle dont il est question en l’espèce. Bien que la relation puisse sembler consentante, sous l’influence de l’alcool, ce déséquilibre de pouvoirs entre les parties change complètement la donne. De plus, le simple fait de refuser les avances d’une personne identifiée “juge” ou “booster” peut rendre plusieurs personnes inconfortables. Il y a la pression de les impressionner, de ne pas nuire à l’équipe, d’être remarquable; chose qui serait évitée en mettant en place la politique.


Je ne tente pas de pointer du doigt. En effet, il est important de noter que la grande majorité des boosters/juges n’abusent pas de leur position d’autorité et, à mon sens, agissent en plein respect. Par contre, on parle ici de sécurité. On parle de la protection d’étudiants vulnérables qui ne se sentent pas à l’aise de dire non, surtout à quelqu’un qu’ils tentent d’impressionner. Ainsi, je suis d’avis que si cette politique peut prévenir seulement une personne de se retrouver dans une situation où un juge/booster s’avère insistant et tente d’utiliser son statut à son avantage, alors elle mérite d’être mise en place.


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