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Grecia Esparza et Camille Savard

Quand la CAQ et les intérêts politiques s’invitent à l’assemblée générale de l’AED

Le 30 janvier 2019 s’est tenue la traditionnelle assemblée générale de mi année de notre association étudiante. L’ouverture officielle fût prononcée après que le quorum ait été atteint, de justesse. À l’ordre du jour, notamment : une proposition voulant abroger la proposition 117 du cahier de positions de l’AED, adoptée le 4 octobre 2018, que voici :


« Que l’AED célèbre la diversité et s’oppose à toutes mesures visant à restreindre le port de signes religieux par les employé (e)s de l’État. L’AED considère que de telles mesures risquent d’enfreindre de façon injustifiée et disproportionnée les droits des minorités vulnérables ».


Selon l’auteur de la demande d’abrogation, la position 117, ayant été adoptée dans le contexte de la campagne électorale provinciale, soit avant l’arrivée au pouvoir de la CAQ à l’Assemblée Nationale. Au motif qu’une autre des positions de l’AED veut que celle-ci affirme son indépendance et son impartialité face à tout parti politique (position 108), il soutenait donc que la position 117 allait à l’encontre de cette indépendance et impartialité. Suite à la vive opposition des étudiants présents, ayant notamment invoqué la liberté de religion et la protection des minorités, l’auteur proposa plutôt un amendement à la proposition, celui d’abroger seulement la dernière phrase de la proposition 117, ce qui fût finalement adopté par l’assemblée.


Position de la CAQ sur le port des signes religieux


Vous le savez, le débat concernant le port de signes religieux par les employés de l’État provoque de vives réactions depuis déjà plusieurs années au Québec. Un sujet qui trouve toujours le moyen de ressurgir de manière virulente à l’approche des élections. Lors de la dernière campagne électorale, François Legault, chef de la CAQ et maintenant Premier ministre, s’était d’ailleurs porté fier défenseur de la laïcité de l’État. Sans surprise, il propose aujourd’hui d’interdire aux personnes en position d’autorité le port de signes religieux. En allant même jusqu’à invoquer l’utilisation de la clause dérogatoire afin de bloquer toute contestation future, devant les tribunaux, au nom de la liberté de religion protégée par nos Chartes.


D’autres motifs derrière la proposition ?


L’automne passé, nous avons fait circuler un texte, portant exactement sur ce même enjeu et vous avez été plus de 125 étudiants à le signer. Vous avez été plus de 125 à croire, tout comme nous, que les droits de minorités doivent être protégés en toute circonstance, car il en va de la santé de notre démocratie.


Alors, qu’arrive-t-il lorsque cette proposition d’abrogation vise totalement le contraire de ce que l’on défendait il y a quelques mois ? Encore plus, qu’arrive-t-il lorsque la personne qui la présente a des liens étroits et des fortes affinités avec le parti au pouvoir, ce parti qui au nom de la majorité veut restreindre les droits de la minorité ?


Parce que selon l’aveu de l’entourage de l’auteur, il semblerait que ce n’est pas à une faculté de droit de discuter des enjeux de notre société, que l’on devrait plutôt laisser Legault gérer la question des signes religieux.


Mais imaginez laisser les droits d’un groupe minoritaire entre les mains de Legault, et ce sans aucune opposition ? Pas l’idée du siècle. Nous l’avons d’ailleurs constaté avec le dernier projet de loi 9 qui prévoyait l’annulation de 18 000 dossiers d'immigration. Ce sont nos tribunaux, qui ont su s’assurer du respect des principes fondamentaux du droit, rappelant au Ministre de l’Immigration « qu’il doit agir selon le droit en vigueur, et non sur le fondement d’une modification législative projetée ». Ce même Ministre qui sera en charge du dossier de la laïcité ce printemps.


Autre que pour affirmer l'indépendance et l'impartialité de l’AED, pour quel motif proposer cette abrogation? Nous ne le savons pas. Toutefois, difficile d’ignorer le fait que l’abrogation aurait été un beau cadeau pour la CAQ, elle lui aurait permis d’illustrer l'assentiment des étudiants en droit, des futurs juristes, des futurs défenseurs des droits et libertés vis-à-vis à sa position quant aux signes religieux.


Appel à l’engagement


Cette fois-ci, ce sont les convictions profondes des étudiants envers le respect des droits fondamentaux qui ont permis de faire obstacle à une possible instrumentalisation politique. Toutefois qu’en adviendra-t-il la prochaine fois ? Parce que les prochains enjeux seront peut-être plus subtils que le droit des minorités, sujet sur lequel notre faculté est particulièrement aiguisée grâce aux professeurs de cette faculté.


Sachant que l’opinion de futurs juristes est considérée et influence le débat public n’est-il pas notre responsabilité de s’assurer que notre opinion est utilisée à des fins que l’on défend ? La participation aux assemblées rend, en quelque sorte, justice à l’influence que peut avoir la faculté sur certains enjeux. Il s’agit d’une manière de s’assurer que celle-ci véhicule fidèlement nos convictions.


Nous faisons appel à votre engagement. En tant que les juristes de demain, nous nous devons de rester vigilants et critiques devant ce genre d’intervention. Aujourd’hui, c’est une assemblée générale. Demain, c’est notre société.


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