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Mollie Poissant

Un appel à la résistance : le rejet de l'apathie


Mois de mars. Il neige encore. Ça prend encore une heure de transport en commun se rendre au pavillon Jean-Brillant, peut-être même plus. Changement de ligne. En espérant que ce ne soit pas six minutes d’attente sur la ligne bleue. C’est frustrant l’attente. Quinze minutes de marche sur les trottoirs glacés de la station Université-de-Montréal jusqu’aux portes du B-4215.


Marcher dans les rues pour ne pas se casser la gueule, est-ce que c’est de la désobéissance civile ? Un bonjour ou deux à tes ami.e.s. Peut-être aucun bonjour aussi. Enlever son manteau, s’asseoir, ouvrir son portable, écouter. Écouter les quinze premières minutes pour ensuite tomber sur un bijou de l’internet qui te fait décrocher royalement. Un chat siamois habillé en citrouille, avez-vous déjà vu ça ? Revenir à la vie malgré l’absence d’intérêt probant pour le partage du reliquat entre les actionnaires. Pause. Boire de l’eau, aller pisser, parler, s’asseoir. Se concentrer. Se déconcentrer. Partir en vrille sur les vols d’avion Montréal-Los Angeles. Pas cher, pas cher. Se concentrer. En manquer un boutte, mais arriver juste à temps pour l’explication de la jurisprudence que tu n’as pas lue. Soulagement, cette fois-ci ce n’est pas Houle c. Banque nationale du Canada .

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Apathie. Complète et complexe apathie généralisée. « Incapacité de réagir » selon la définition du Larousse. En classe comme dans les couloirs de la Faculté. Je ne jette pas de pierres puisque je suis la dernière à lever la main en classe pour poser une question ou proposer mon commentaire éditorial. Je jette les pierres sur le rien qui se passe. Sur l’absence de positions et encore de façon plus primaire, l’absence de discussion. Sur la politique, sur le monde entourant la Faculté, sur l’extérieur du nous et du végétarisme de l’AED. Nommons la grève des stages par exemple. A-t-on déjà parlé de la difficulté à survivre aux études sans s’endetter ? A-t-on déjà parlé du désir d’acquérir de l’expérience tout en baissant les yeux sur nos conditions de stagiaires non-payé.e.s ? Une job, un stage, cinq cours, un.e partenaire amoureux/amoureuse et un appartement à payer. Penses-y bien à la place qu’occupe un stage non-rémunéré dans le quotidien.

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L’environnement, le système carcéral, la militarisation, le nucléaire, les autochtones, le racisme, la xénophobie, le féminisme, l’homophobie, les luttes anticolonialistes, l’opposition au patriarcat, le spécisme, l’anti-fascisme, l’anti-capitalisme, les classes sociales, name it. Tu avais le choix, mais tu n’en as fait aucun. Je ne t’en veux pas. L’apathie est stagnante, elle dégouline. Elle te happe, elle t’accapare et finalement elle te fit aussi bien que tes pantoufles favorites. Des CrocsTM avec du duvet, un rêve. Il est facile de s’amortir puisque c’est réconfortant, c’est chaud et c’est simple. Si tu avais choisi une lutte, tu aurais probablement souffert, sué et sûrement pleuré de désespoir ou d’entêtement à convaincre tes parents incorrigibles.

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Le vote de grève du mouvement « L’Université s’invite au Parlement » a été déclaré à « écrasante majorité » pour emprunter l’expression de l’ami Marc-Antoine. J’en suis fière et j’étais presque émue de voir toute cette jolie communauté étudiante se rassembler un mardi soir à 16 heures. Mais la lutte demeure et elle est jeune et fertile. Les chemins à emprunter pour y arriver sont sinueux et pluriels. Ce n’est pas un vote - quoique mémorable pour une Faculté comme la nôtre - qui changera les choses. C’est la mobilisation, le refus et la levée de boucliers qui changeront les choses. Il semble un peu incongru de voir des facultés bien loin des sciences humaines se positionner sur des enjeux sociaux, alors que la communauté de la Faculté de droit soit si silencieuse. Évidemment, vous me direz qu’il y a des comités pour tout le monde, des événements bénéfices et que les futur.e.s juristes de demain seront davantage conscientisé.e.s sur l’accès à la justice. C’est partiellement vrai. Oui, il y a de merveilleuses conférences pertinentes et brillantes données par des sommités. Ce que je souhaite est que la Faculté de droit sorte de la Faculté de droit. Cessons cette rengaine déprimante qui perpétue l’archétype de l’étudiant.e en droit et réitérons pourquoi et comment les étudiant.e.s en droit sont réellement et ce, à l’extérieur des clichés du livre Royal ou des personnages de Suits . Come on , soyons plus créatifs ! Les étudiant.e.s de la Faculté de droit se doivent d’être d’autant plus mobilisé.e.s puisque les changements sociaux s’opèrent systématiquement par des changements législatifs. Nos intérêts à titre de futur.e.s praticiens sont intimement liés aux luttes sociales parce que ce sera notre travail qui en sera changé. Et ce, autant dans le domaine du droit des affaires que dans le domaine du droit pénal. Ne soyons pas à la merci des changements, soyons plutôt en amont.

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Réveille-toi. Observe le monde qui bouge autour de toi. Lève-toi. Nous n’avons pas tous.tes. la même prestance ni les mêmes intérêts, ni la même motivation, ni les mêmes capacités à se lever. Pourtant, ensemble, un peu comme vendredi le 15 mars, c’est ensemble qu’on se conscientisera et qu’on s'instruira mutuellement. Ce sera des discussions pertinentes, des ami.e.s allumé.e.s qui te parleront avec fougue et passion de leurs dernières découvertes, des conférences qui t’ouvriront les yeux sur des choses que tu ne savais même pas qu’elles existaient, ce sera ça le sens du mot «ensemble». Il sera difficile de convaincre les sceptiques qu’il y a encore de l’espoir et que les luttes ne sont pas vaines et inutiles. J’ai confiance que la dialectique et la rhétorique seront tes meilleures alliées. Peut-être même mettras-tu en pratique les principes vus dans tes cours d’Interprétation des lois ou de Fondements du droit. Rawls et Dworkin seraient fiers de toi.


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