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Madeleine Duchesne

Consentement et tasse de thé



Dans les dernières années, avec l’affaire Weinstein et le mouvement #MeToo, nous avons commencé à parler de plus en plus de ce qu’est le consentement et de sa nécessité dans les rapports sexuels.


Ce changement est essentiel dans la lutte aux agressions sexuelles parce que, jusqu’à présent, notre société a priorisé une approche réactive à une approche préventive. Et encore, la prévention s’effectuait surtout au niveau des potentielles victimes et non pas auprès des potentiels agresseurs. Celui qui se tapit dans l’ombre d’une ruelle est, à mon avis, bien moins menaçant que l’agresseur qui ne sait même pas qu’il en est un. Celui qui pense qu’un « non » équivaut à un « oui », celui qui manque d’empathie, celui qui interprète mal le refus physique de son ou de sa partenaire, ou qui ne s’en soucie pas, celui qui pense que le consentement initial vaut pour tout le reste.


En 2015, une étude statistique démontrait qu’un Canadien sur trois ne savait pas ce qu’était réellement le consentement. En droit canadien, le consentement aux relations sexuelles peut être retiré à tout moment. Or, selon une étude réalisée par la Fondation canadienne des femmes en 2015, seulement une personne sur trois était d’avis que le consentement devait être continu [1]. En d’autres termes, le tiers des gens ne comprenait comprend pas la définition du consentement en droit canadien. Alors, même si tout le monde est d’accord pour dire que le consentement est nécessaire, encore faut-il savoir ce que ça veut dire!


Lorsque j’étais au secondaire, nous avons visionné un vidéoclip qui expliquait en quoi consistait le consentement en faisant une analogie avec une tasse de thé [2]. L’idée est très simple : si une personne ne veut pas de tasse de thé, ne lui en faites pas. C’est une façon brillante d’expliquer le consentement aux relations sexuelles, avec humour et légèreté. Je me souviens que la classe en avait parlé par la suite sans gêne, sans tabou. Je prends cet exemple pour démontrer qu’à mon avis, la lutte aux violence sexuelles passe par l’éducation et l’information.


Certaines personnes reçoivent leur éducation par leurs parents, d’autres par leurs amis, à travers la culture populaire, les livres, les films, ou encore par la pornographie. Néanmoins, toutes ces sources ne sont pas nécessairement fiables, c’est la raison pour laquelle je pense qu’il serait important qu’une entité aussi neutre que possible s’en mêle, l’école en l’occurrence. Les parents ne sont pas toujours des sources sûres, étant donné qu’ils ont peut-être eux-mêmes une vision erronée du consentement (comme un Canadien sur trois en 2015), ou parce qu’ils sont mal à l’aise d’en parler avec leurs enfants. Les amis sont encore moins sûrs, parce qu’ils n’ont pas l’expérience requise, et qu’ils peuvent parfois encourager des débordements sans le vouloir. La culture populaire n’est pas non plus une source recommandée parce qu’elle alimente plusieurs stéréotypes qui contribuent parfois à la culture du viol, à l’objectification de la femme et à la masculinité toxique. Idem pour certains films, certains livres et, bien évidemment, la pornographie.

Les écoles ont déjà des programmes d’éducation sexuelle, mais ils ne sont pas complets. Quand j’ai reçu mon cours d’éducation sexuelle au secondaire, l’infirmière nous apprenait à enfiler un préservatif ainsi qu’à nous protéger des grossesses non-désirées et des maladies transmissibles sexuellement. Jamais elle n’a parlé de l’aspect émotionnel des relations sexuelles. Jamais le mot consentement n’a été prononcé. L’extrait vidéo de la tasse de thé a donné lieu à notre première et seule discussion de classe sur le consentement à l’école secondaire. Par la suite, nous n’en avons reparlé qu’une seule fois au cégep, dans un cours de psychologie. Ensuite, à l’université, nous avons suivi la formation en ligne obligatoire sur les violences à caractère sexuel. C’est un début, mais est-ce suffisant?


J’ai lu un livre magnifique qui porte sur le sujet ignoble qu’est l’agression sexuelle : le roman Les choses humaines de Karine Tuil [3]. Elle raconte dans son roman l’histoire de Claire Farel, une femme dans la quarantaine connue par le public pour ses engagements féministes, dont le fils, Alexandre, est accusé d’avoir violé la fille aînée de son amant, Mila. Ce que j’ai aimé du roman, c’est qu’il ne dépeint pas Alexandre comme un monstre. L’auteure ne minimise jamais la portée de son geste et ne l’excuse pas non plus. Elle s’attarde à sa perception des faits, à sa psychologie. Alexandre ne comprend pas ce qu’il a fait, ne comprend pas qu’il a violé. Moi qui suis habituellement inflexible en matière d’agression sexuelle, je me suis prise de pitié pour lui.


Je ne pense pas qu’il faille prendre en pitié les agresseurs, loin de moi l’idée. Ce que je crois, c’est qu’avec des programmes d’éducation sexuelle appropriés et des discussions ouvertes sur le consentement, notre société pourrait sauver plusieurs victimes et par le même coup, plusieurs agresseurs. L’intelligence émotionnelle est quelque chose qui peut s’apprendre, dans une certaine mesure. C’est de ça dont il est question ici. Pour avoir des relations sexuelles saines, il faut comprendre l’autre, ses besoins, ses limites. On ne peut pas réduire la sexualité à la façon de poser un préservatif et d’éviter une grossesse ou des maladies, c’est passer à côté de quelque chose de primordial. D’une part, le consentement et d’autre part, la tendresse, l’affection, et toute la composante émotionnelle. Et ça, ça ne s’apprend pas seulement avec une tasse de thé!


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