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Emma Hason

Est-ce-que nous travaillons trop fort? : Le #hustle, le burnout et comment ça affecte notre expérien



Je me souviens de mon tout premier burnout. Des mois de pression, d'insécurité et de frustration causés par les finaux et le stress général de devoir m’adapter à cet environnement tout nouveau ont finalement atteint leur apogée. Avant le fait, je résistais à toutes les affirmations me disant que je partais en spirale, mais je les ai ignorées, en partie parce que je ne le pensais réellement pas, mais surtout parce que je n’étais jamais là pour qu’on me le dise. J’étais dans ma onzième heure d’un marathon à la bibliothèque, anxieuse, stressée, ridiculement fatiguée.


Et même si c’était vrai, je n’en ai rien pensé. Dans ma tête, le burnout était un des signes que l’on travaillait fort, et qu’en conséquent, tous.tes les bon.ne.s étudiant.e.s le vivaient. Alors j’ai continué sur cette voie, tassant de côté mes amis, ma famille, mes loisirs et ma propre santé en faveur de mes études.


Mais comment ceci m'est-il arrivé? J'étais devenue tellement absorbée par les pressions de ma vie étudiante que je me suis amenée à croire que cet épuisement mental était un pas dans la bonne direction, que mon stress, mes nuits blanches, et le burnout qui en résultait, étaient les habitudes saines d'une élève réussie. Évidement ce n’est pas le cas, et malheureusement, je ne suis pas la seule à croire que le travail acharné et la productivité sont indispensables à la réussite.


Notre génération a une obsession malsaine avec la productivité. Le « hustle culture », comme on l’appelle sur les réseaux sociaux, souvent sans aucune ironie, est le phénomène - implacable, sincère, et surtout motivé - de s’efforcer de réussir à tout prix, de s’exercer à son maximum, à chaque jour, pour toujours. L’abonnée de cette doctrine est tenue d’agir d’une certaine manière. Elle n’est pas censée prendre de pause. Elle aime les tableaux sur Excel et les agendas en code-couleur. Quand elle passe dix heures non-stop à la bibliothèque, elle s’assure de partager ce fait avec tout le monde, subtile vantardise de son désir de travailler plus longtemps et plus laborieusement que le reste. Elle déteste tout ce qui fait perdre le temps, tout ce qui permet un moment de répit, parce que prendre un moment pour soi-même, ce n’est pas productif. Manger, par exemple. Ou dormir. Apparemment que subsister sur une moyenne de quatre heures de sommeil par nuit est un niveau de vie non seulement acceptable, mais souhaité. Admiré, même. Et admettons que nous ressentons tous secrètement un peu de fierté et de bonheur en sachant, parmi un groupe de personnes, qu’on est celui.celle qui a travaillé le plus d’heures, a eu le moins de sommeil, est resté.e le plus longtemps à la bibliothèque ou s’est réveillé.e le plus tôt. L’ère des réseaux sociaux fait simplement en sorte que c’est plus facile de le partager avec le monde, faisant silencieusement sentir les gens honteux de ne pas faire de même.


Notre vénération de ce culte de productivité est en quelque sorte une chose que nous avions imposée sur nous-mêmes. Le fait de toujours être occupés nous rassure, c’est une façon de se convaincre que nous menons des vies significatives dans une société qui devient de plus en plus frénétique et agitée. Ceci nous a conduit à intérioriser l’idée que nos vies, à moins d’être remplies de travail, de projets, et de dates d’échéance, sont dépourvues de valeur réelle. C’est ici que s’ajoute une dimension performative : on se dit que, si on doit travailler tout le temps pour s’intégrer avec le reste, faisons au moins semblant d’aimer cela.


Déjà, ça ne semble pas aller si bien pour la santé mentale et le bien-être de notre génération - la culture de la productivité semble nous priver de notre droit de réellement aimer le travail que nous faisons sans nous faire sentir coupables à chaque fois que nous ne le faisons pas- mais il y a pire. Notre obsession avec le travail est susceptible de prendre une dimension extra chez les étudiant.e.s en droit, programme connu pour être compétitif, stressant et contingenté. La courbe, les concours, les cabinets, la course … ça devient difficile de concevoir que les multitudes d’activités dans lesquelles on est inondés - les 4 à 7, les pro bonos, les dîners-causerie, les stages pratiques, les voyages à l’étranger - existent pour une raison autre que dans le but de faciliter l’acheminement vers l’accomplissement ultime de l’étudiant.e en droit. Pas le temps même de se rappeler qu'il existe d'autres options.

Ce n’est pas dire que tous.tes les étudiant.e.s en droit en souffrent. Mais la nature même du bac- environnement souvent hautement compétitif avec des attentes particulièrement élevées- rend les étudiant.e.s encore plus vulnérables à croire qu’il faut tout sacrifier, dont notre bonheur, notre santé mentale- pour avancer. On veut tous réussir au jeu, mais pour le faire, il faut jouer par les règles, et celles-ci ne sont pas toujours justes.


Et le voilà, le phénomène du « hustle culture » en pratique, mentalité qui m’a menée à penser que mon burnout était en réalité un comportement souhaité chez les étudiant.e.s réussi.e.s. Particulièrement dans une faculté où les jeunes se targuent de travailler jusqu’à ce qu’ils tombent à terre, c’est difficile d’imaginer comment ça pourrait être différent.


Je suis coupable de tout ce dont je parle- les codes couleurs, les marathons de bibli, le besoin compulsif d’être assise à un bureau, code ouvert- et je n’ai pas encore réussi à me convaincre qu’abandonner cette mentalité malsaine va vraiment mieux me servir que le sentiment, aussi manufacturé soit-il, de plaisir tordu que je ressens à chaque fois que je continue à me pousser au-dessus de mes limites. Je ne veux surtout pas être cette fille, celle qui encourage les autres à adopter un esprit similairement toxique. J’ai déjà connu mon premier vrai burnout. Est-ce-que ça finit quelque part ou allons-nous continuer de travailler, trop fort et pour trop longtemps, au nom du #hustle?

SOURCES

  1. Petersen, Anne Helen. “How Millenials Became The Burnout Genreation”. BuzzFeed News. 9 janvier 2019. De https://www.buzzfeednews.com/article/annehelenpetersen/millennials-burnout-generation-debt-work

  2. Kreider, Tim. « The Busy Trap ». New York Times. 30 juin 2012. De https://opinionator.blogs.nytimes.com/2012/06/30/the-busy-trap/

  3. Griffith, Erin. « Why Are Young People Pretending to Love Work? ». New York Times. 26 janvier 2019. De https://www.nytimes.com/2019/01/26/business/against-hustle-culture-rise-and-grind-tgim.html


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