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Antoine D. Hendrickx

Voyage en Hyperborée


Jadis, loin au nord, quelque part dans les tréfonds du froid, se dressait l’Hyperborée, une civilisation ancienne et oubliée. L’Hyperborée, le sommet du monde où le cosmos resplendissait éternellement sur les âmes. Terre mythique dans les entrailles de l’Arctique, le pays des hyperboréens. Le peuple de ceux qui vivaient au-delà du souffle de Borée vers l’étoile Polaire, le peuple porteur de lumière. L’hyperborée était une terre solaire et polaire où le temps se divisait entre un jour et une nuit de six mois. Les anciens Grecs pensaient que les habitants de cette contrée magique ne vieillissaient pas et profitaient perpétuellement de leurs longues années. C'était un monde d’arts et de lumière libérée à jamais de la mort et de la maladie. Le Soleil y brillait en permanence durant la mi-année ne laissant aucune obscurité pénétrer la terre et les cœurs d’Hyperborée. Durant les six mois que durait la nuit, les étoiles et le lit de la Grande Ourse éclairaient, eux, de lumière scintillante les calmes Hyperboréens. Selon la légende, Apollon y fut emmené par le zèle de ses cygnes sacrés après sa naissance à Délos. Sur place il fut pris d’un tel émerveillement qu’il y demeura et en devint le roi. Il fallait un royaume solaire à ce dieu lumineux. Apollon vit que les Hyperboréens étaient immunisés aux maux et aux vices du monde mortel. Malgré leurs longues existences, aucune ride n’atteignait jamais leur visage, aucune maladie ne détériorait leur corps. Sous les chants des muses, ces immortels consommaient leur existence perpétuelle dans l’idylle nordique. De la plus haute tour d’Hyperborée s’élevaient sempiternellement des chants portés par les cieux. Selon certains, les Hyperboréens étaient des descendants de la race des géants. D’autres disent même que les Hyperboréens étaient des Nephilim, des anges ayant abandonné leur demeure dans les cieux et qui vint arpenter la terre en quête de rédemption. La généalogie hyperboréenne se retracerait jusqu’aux temps antédiluviens. Ils ne subirent pas le courroux divin du déluge puisqu’ils étaient des justes et des pieux, favoris et chéris des dieux. On dit que les hommes et les femmes étaient de haute taille aux cheveux blonds éclatants et d’une force supérieure à celle des mortels. Il se disait aussi que les Hyperboréens détenaient la connaissance primordiale. Celle à la base de tout, qui module et façonne l’ensemble de notre existence. Les Hyperboréens demeuraient à jamais les gardiens d’un trésor inestimable, mais incompréhensible aux hommes mortels. Dans les Hespérides du Nord reposait la vérité, simple et pure. Seuls les dieux et leurs semblables, titans, héros et mystiques pouvaient s’abreuver de cette connaissance primordiale et ainsi obtenir la révélation. Apollon fit garder cette source première par ses griffons dorés laissés aux bons soins de la population locale. La figure d’Apollon reflétait bien celle des habitants de l’Hyperborée. À leur image, il était un homme d’une autre sorte, fruit des dieux et de la terre, détenteur de la connaissance, de l’art lyrique et bien plus. L’Hyperborée devint théocratique, car Apollon ne pouvait rester perpétuellement dans la terre du nord. Les affaires divines l’appelèrent à l’Olympe auprès de son père Zeus. Mais il y revenait une fois par an pour s’y régénérer et rester éternellement jeune. De grands prêtres d’Apollon, comme ceux de Delphes, gouvernaient le royaume quand le dieu était en Grèce. Il y avait aussi d’autres rois mineurs en Hyperborée. Les Boréades, descendants de Borée, guidaient le peuple et agissaient en qualité de féodaux au dieu de la lumière. Leurs fiefs séculaires se divisaient entre les vallons, les champs et les rivières. Chaque Boréade possédait sa bannière dorée parsemée d’étoiles et de symboles qu’il faisait flotter hautement et fièrement lors des réunions pour célébrer le retour d’Apollon. Des palais pyramidaux de bois de chêne centenaire leur servaient de demeure monumentale. Les prodigieuses richesses matérielles s’expliquaient par le sol du pays, toujours fertile. Dehors, l’or, l’agate et l’argent couraient par filons entiers à travers les mines creusées dans la glace jusqu’aux profondeurs. L’Hyperborée demeurait à jamais dans l’âge d’or grec. Cet âge qui survint dès la création des hommes, quand Cronos régnait dans le Ciel. C’était un temps d’abondance, de félicité et de bonheur éternel. Le climat du pays hyperboréen porte néanmoins à confusion, certains le disent froid et polaire. Le genre de froid purificateur qui forge les âmes et les esprits d’un peuple. Mais il est aussi dit que c’était un pays tempéré, abondant et fertile. Un pays où les champs produisaient sans culture un froment doré sur des milliers d’hectares. Les Hyperboréens n’avaient pas besoin de cultiver le sol, ils n’avaient qu’à cueillir les fruits de la terre. Le reste du temps, les hommes et les femmes du royaume s’adonnaient aux activités poétiques faisant de l’Hyperborée une terre d’arts et de délicatesses. La langue chantée des Hyperboréennes était, semble-t-il, si belle qu’elle aurait provoqué chez un mortel un émerveillement à lui en faire perdre la raison. Apollon amena-t-il un jour ses muses jusqu’en Hyperborée ? Clio, Euterpe, Thalia, Melpomène, Terpsichore, Érato, Polymnie, Uranie et Calliope foulèrent-elles la terre du nord avec Apollon ? Vraisemblablement. Et elles durent être émerveillées par la vue du pays et de ses habitants maîtres de l’art de la poésie. On peut être sûr que l’Hyperborée fut une terre lyrique et de musique où l’on jouait des mélodies dans les champs et dans les bois sacrés. Les nymphes des bois et des montagnes sortaient de leurs maisons de verdure quand les mélodies hyperboréennes résonnaient dans les landes. Les Hyperboréens ne connaissant ni la faim ni les maux du monde étaient végétariens. Les animaux des bois sacrés et des vallons d’Hyperborée ne furent jamais chassés sur cette terre de lumière. Des cervidés de toutes sortes, des faisans et des faons peuplaient abondamment la forêt hyperboréenne. Toutefois, les habitants se suffisaient des délices de la terre et de nectar de différents genres. Dans les villes bordant les campagnes, la société hyperboréenne vivait en harmonie et en concorde. Délivrés de tous les maux de la terre, les Hyperboréens n’avaient jamais besoin de recourir à la violence ou aux armes. Le pays était en paix et le resterait perpétuellement. L’aversion pour la guerre et le vice résultait de l’amour des arts des pacifiques. Les hauts dirigeants du pays portaient des étoiles, des lunes et des soleils attachés à leur toge pourpre pour garantir leurs fonctions. Les empereurs romains reprirent la coutume et le soleil devint un symbole universel de la monarchie. Apollon fut celui qui ramena ces us et ces coutumes en Méditerranée où elles se répandirent. Le Dieu se fit le porteur de l’influence hyperboréenne sur le monde de la Grèce antique. C’était lui qui, selon Platon, constituait l’harmonie du monde. Le même Apollon qui énonça les lois fondamentales de la République platonicienne, les premières des lois. Celles décrivant et régulant les rapports entre les hommes et les dieux, l’Alliance première qu’on pourrait qualifier d’hyperboréenne. Le dieu des arts et de la sagesse ramena dans son sillage l’influence polaire des Hyperboréens que l’on a pu retrouver dans la rigueur des Spartiates ou dans l’érudition des Athéniens. Les auteurs grecs n’ont jamais situé précisément l’Hyperborée sur une carte. Hérodote ne donna que de vagues estimations. Diodore de Sicile situa la terre d’Hyperborée loin au nord des pays celtes, au-delà d’une chaîne de montagnes inaccessibles séparant le peuple primordial des autres mortels. Mélas disait que les Hyperboréens vivaient à l’extrémité de la terre la plus proche du Soleil. Ce qui aurait expliqué l’incroyable fertilité de leurs champs et leur teint blond. Une chose était sûre, avant d’arriver jusqu’à la terre primordiale il fallait passer par des landes de glaces montagneuses, désertiques et inhospitalières. Nombreux furent les chamans et les autres magiciens grecs qui se vantèrent d’être allés au nord du vent de Borée. Mais la route tortueuse fut indubitablement de nature à repousser tout homme qui n’avait pas l’envergure de pénétrer la terre hyperboréenne. Cette terre préservait un Éden inestimable réservé à une poignée d’hommes et de femmes choisis par les dieux. Platon disait que les âmes s’élevaient au Nord. Peut-être que les grands noms de la Grèce antique partirent avec le vent de Borée jusqu’à cette terre paradisiaque pour y mener une nouvelle vie abjurée de maux et de vices.


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