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Inès Benadda

À quand l’organisation mondiale de l’environnement?


Le 24 février dernier, António Guterres rappelait, lors de son discours marquant l’ouverture de la 43e session des travaux du Conseil des droits de l’homme, que « [l]a crise climatique est la plus grande menace pour la survie de notre espèce et met d’ores et déjà en danger les droits humains aux quatre coins de la planète. [...] Elle menace l’existence même de certains États membres, en particulier les petits États insulaires en développement. » De cet appel à l’action, il est ainsi curieux de constater que les efforts en matière de lutte contre les changements climatiques, mais plus généralement en matière d’environnement, à l’échelle internationale, ne sont pas centralisés et coordonnés au sein d’une même organisation. L’idée n’est pas nouvelle, mais elle n’a jamais abouti. Et à défaut d’instaurer une véritable Organisation mondiale de l’environnement, on a mis en place lors de la Conférence Rio+20 le Forum politique de haut niveau pour le développement durable (FPHN). Sa mission est entre autres de veiller au progrès des engagements de développement durable du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de remplacer par le fait même la Commission du développement durable de 1992. Néanmoins, le FPHN ne donne que des orientations sur le développement durable et ne possède pas de pouvoir de réglementation. Même avant Rio+20, en 2007, on avait proposé le changement de statut du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) pour en faire une véritable Organisation mondiale. Proposition qui n’avait pas plu à plusieurs grands États membres lors des négociations, dont le Canada, la Chine, l’Inde et le Brésil. Les États-Unis avaient même précisé qu’ils ne voyaient pas l’intérêt du projet. Il va sans dire que l’environnement reste, en droit, de l’ordre d’un enjeu et non de discipline proprement dite. En d’autres mots, l’environnement n’a pas de finalité propre, alors on le rattache à sa relation avec l’être humain. Plusieurs institutions spécialisées de l’ONU ont ainsi des compétences accessoires en matière d’environnement ; elles sont appelées à agir pour l’environnement dans l’exercice de leur mission. Prenons par exemple l’UNESCO et la conservation du patrimoine mondial, l’OMS et l’eau potable, l’OMI avec la pollution des navires, l’OMM avec le réchauffement climatique ou la qualité de l’atmosphère, l’OACI avec les gaz et le bruit des avions ou encore l’ONUAA et la réglementation des pesticides. Et cela, sans oublier l’Assemblée générale de l’ONU qui peut, par résolution, se prononcer sur des questions environnementales, tout comme l’ECOSOC qui peut faire des études sur des questions connexes au domaine économique et social, donc comprenant l’environnement. Envisagé ainsi, il est normal que l’environnement soit aussi tentaculaire : il est l’affaire de tous.tes et touche tout le monde. Or, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pourrait apparaître comme l’exemple d’une solution. L’ONU lui a reconnu un statut d’organisation internationale autonome en raison de son caractère intergouvernemental et multilatéral. Donc, bien que ce ne soit pas une institution spécialisée de l’ONU, elle travaille en étroite coopération avec elle, en fournissant par exemple un rapport annuel à l’Assemblée générale des Nations Unies et au Conseil de Sécurité à sa demande. Cela, tout en concentrant son travail spécifiquement à l’énergie nucléaire, à son utilisation pacifique et à la lutte du terrorisme nucléaire. Elle est financée par les États membres et autres donateurs sur une contribution volontaire. Les États membres avaient demandé à l’AIEA de composer deux conventions internationales à la suite de la catastrophe survenue à Tchernobyl en 1986, ce qu’elle a fait la même année, avec la Convention de Vienne sur la notification rapide d’un accident nucléaire et la Convention de Vienne sur l’assistance en cas d’accident nucléaire (ratifiés respectivement à 75 et 71 parties). Alors pourquoi n’envisagerait-on pas une Organisation mondiale de l’environnement basée sur un tel modèle ? Les États membres ont préféré pour l’instant se contenter du PNUE, dont le Conseil d’administration est d’ailleurs appelé « l’Assemblée des Nations Unies pour l’Environnement » (ANUE) depuis 2013. Il est vrai toutefois que depuis que le PNUE existe, plusieurs conventions internationales d’importance en ont été issues : la Convention cadre sur les changements climatiques (1992), la Convention de Bâle sur le mouvement transfrontière des déchets dangereux (1989) ou encore la Convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone (1985) pour ne nommer que celles-ci. Mais cet organe autonome relevant du Secrétariat de l’ONU est aux prises avec des moyens financiers insuffisants pour envisager de plus grandes aspirations. Il faut se rappeler que la situation actuelle présente le reflet des priorités des États membres de mettre de côté leur souveraineté au profit de la collaboration pour l’avancement du bien-être commun. Et ce qu’on peut constater du passé, c’est que l’environnement n’a jamais constitué une telle priorité, à l’instar de la santé par exemple, ayant mené à la création de l’OMS par la volonté et l’affirmation des États pour lesquels il s’agit d’un droit humain dont tous devraient jouir. On est loin de constater que l’environnement mérite l’importance de créer un organe supranational ayant pour but de le protéger. Attendrait-on la consécration du droit à un environnement sain pour ce faire ? Mais prenons encore l’effort mondial dans la protection de la couche d’ozone. C’est un bel exemple de réussite d’un consensus de la communauté internationale quant à une problématique environnementale certaine ayant un effet sur la santé humaine. Ce consensus s’est effectivement traduit par l’adoption de textes internationaux contraignants visant l’élimination progressive des substances dommageables pour la couche d’ozone, d’abord par la Convention de Vienne pour la couche d’ozone (1985), puis le Protocole de Montréal (1987). Afin de résoudre les problématiques environnementales actuelles, les États membres devraient plus que jamais coopérer avec ce même élan, bien que leur lien avec la santé humaine ne soit pas toujours démontré avec certitude. Alors la question demeure… À quand l’organisation mondiale de l’environnement ?


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