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Vicente Guzman Barra

Le « fit » est un privilège de classe


Nous avons du temps pour réfléchir devant nous, alors parlons course aux stages, mais sous un angle peu abordé, celui de l’intersectionnalité. Si vous êtes comme la majorité des personnes, vous n’avez pas de stage en cabinet, faute de notes au-dessus de la moyenne, ce qui constitue le premier filtre, et – plus intéressante pour nos fins – faute de « fit ».


Que vous l’ayez faite ou non, vous connaissez le discours. Pour avoir son stage, il faut que « ça clique », que « le vent passe », il faut un bon « fit » dans la « culture de l’entreprise ». Les guillemets rapportent ici effectivement ce que l’on peut entendre du côté des personnes choisies et des avocats et avocates en cabinet. Tout serait une question de feeling, nommément, le sentiment que « hm ouais, avec cette personne, ça pourrait fonctionner ».


Je pense qu’on peut franchement parler d’expressions élusives. Qu’est-ce qui est plus à géométrie variable qu’un « fit »? Sur la scène de la course aux stages, ça semble pourtant tomber sous le sens le plus commun. Permettez-moi de poser une question qui fait tressaillir mais... comment on fait, au juste, pour fitter?


On ne touche à rien de bien profond en posant cette question. Nombre de personnes avant moi sont déjà passées par là et, bien d’autres y arriveront plus tôt que tard (peut-être un peu plus tard, n’est-ce pas, à cause de la COVID-19, mais passons). Mais parlons-en un peu plus longuement ici, car c’est tabou et donc, intéressant.


Creusons : fitter, sémantiquement le contraire de ne-pas-fitter. Un bloc carré qu’on essaierait de rentrer dans un trou triangulaire. Fitter, donc ne pas trop brasser le trou. Ne pas demander de modifier le trou, quoi. Ne pas trop causer de malaises. Fitter, donc, dans le fond, ne pas déranger.


Donnons des exemples. Comme le relate Fabrice Vil [1], le « fit » peut s’apparenter à la capacité de sacrer en bon chumey en écoutant la game de hockey à laquelle on est convié.e en fin de course. À se comporter dans un cocktail : bonnes manières, belles dents, tout le kit. Le « fit » est la clé d’un véritable code. Le problème : les exigences du code mettent à mal une grande majorité d’immigrants, de femmes et d’autochtones (et autres que j’oublie sûrement, je m’en excuse) qui ne peuvent pas performer avec autant d’aisance dans ces événements à caractère culturel.


« Hein, ce n’est pas fini ? » je me prends à dire tout bonnement quand je regarde un match des canadiens, moi qui suis plus habitué à un match de la coupe du monde.


Le « fit » est un privilège de classe. L’exemple ci-haut le démontre, les rapports sociaux inégalitaires sont consubstantiels. Le « fit » est aussi un privilège blanc et un privilège d’hommes.


Ça dérange ? Sorry not sorry. L’ironie de la chose : ceux que ça dérange sont, de fait, une minorité. Élitisme est, je pense, le bon terme. Les courageux et courageuses reconnaissent, quant à eux, leurs privilèges. Ah le courage de dire les choses telles qu’elles sont, c’est-tu pas assez un beau? Pour moi, c’est un baume contre l’hypocrisie.


[1] Documentaire, Briser le code à voir ici https://briserlecode.telequebec.tv/


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