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Justine Sara

Être compréhensive


Cohorte 2017-2020, photo prise par Mia Brulotte


Le 12 mars, le gouvernement annonce l’interdiction des rassemblements de 250 personnes et l’AED a dû annuler tous les événements des deux semaines suivantes. Je pense alors aux exécutants des comités qui ont travaillé pendant des mois sur leurs événements. Quelques minutes plus tard, j’apprends le report de la course aux stages. Je pense à mes collègues qui vont dans des 4@7s depuis le mois de novembre pour y participer, aux milliers de lettres de présentations qui ont été écrites, aux nombreuses simulations d’entrevues et à la déception qu’ils vont vivre. Le lendemain, les universités ferment. Panique totale et attente anxieuse d’avoir des nouvelles de l’Université de Montréal, plusieurs comparaisons avec les autres universités qui sont plus rapides, vague de messages Facebook sur la page des représentants académiques, rumeurs et j’en passe.

L’isolement a provoqué chez moi une exacerbation des symptômes de mon stress post-traumatique. Des cauchemars tous les jours, des inquiétudes qui dépassent la raison de peur que mes proches ne soient touchés par la COVID-19. De l’irritabilité, des pleurs de panique à chaque annonce de François Legault qui restreint encore plus notre liberté de déplacement qui cohabitent avec un sentiment de sécurité parce que notre gouvernement prend des bonnes mesures. Perte de sécurité financière, des chicanes avec mes proches pour leur faire comprendre la gravité de la situation, plus de temps sans distraction pour mes pensées négatives, la solitude. Je ne suis pas la seule. Chaque personne, aussi bonne étant sa santé mentale, est maintenant sujette à des inquiétudes sur une période de temps prolongée, peut être à fleur de peau et s’emporter plus facilement. Les plus chanceux d’entre nous auront une attitude calme et positive, voyant la crise comme une poussée d’adrénaline, comme dans un combat, mais ces derniers doivent ouvrir les yeux et être empathiques avec les autres.

La population étudiante n’est pas la seule à être touchée, les professeurs et l’administration des universités aussi. Du jour au lendemain, le gouvernement leur demande de maintenir les sessions en cours tout en interdisant les cours en présentiel. Comment s’assurer que l’enseignement demeure à la hauteur ou adapté aux personnes devant prendre soin d’un proche ou qui travaillent dans un secteur essentiel? Comment faire des évaluations qui représentent réellement la matière enseignée tout en s’assurant qu’elles soient légitimes et justes pour tous et chacun? Comment demander aux professeurs de donner des cours en ligne alors que certains d’entre eux n’ont pas ces connaissances en technologie qui sont, pour la population étudiante, acquises depuis des années? Étant sur la ligne de front des problèmes académiques, j’ai constaté que la majorité des inquiétudes de mes collègues étaient justifiées, mais qu’on oubliait parfois de penser à l’anxiété que peuvent vivre nos professeurs qui vivent les contrecoups de l’isolation autant que nous et qui doivent mettre en place des nouvelles techniques d’enseignement en quelques jours seulement. Les solutions qui nous ont été offertes ne sont pas parfaites, mais la situation actuelle est loin de l’être. Je continue de militer pour que les accommodements soient justes et équitables pour tous, mais j’approche le tout du point de vue de la coopération puisque l’opposition et les conflits ne donneront pas de résultats dans un contexte où tous et chacun sont impulsifs et excédés de la crise de la COVID-19.

Chaque inquiétude est totalement valide, autant celles de la population étudiante que celles du corps enseignant, mais j’ai toutefois réalisé l’importance de les remettre en perspective. Si nous nous attendons à ce que l’Université fasse preuve de compréhension quant à la situation, nous devons nous aussi lui offrir la même patience et souplesse dans nos demandes. Le gouvernement a lancé des messages de solidarité et François Legault a dit : « Je suis fier d’être québécois ». Je suis fière d’être québécoise et j’espère que mon parcours académique se terminera dans l’entraide plutôt que dans l’adversité, parce que je sais que c’est ce que notre culture a de plus précieux en ces temps difficiles.

Mon baccalauréat se termine en queue de poisson. Je ne reverrai peut-être jamais certains de mes collègues de classe, je ne pourrai faire une belle transition pour l’AED, je n’aurai pas de bal des finissants, et mes derniers examens seront rédigés sur ma table de cuisine avec des écouteurs pour ne pas entendre mes parents en télétravail, mon amoureux et mon frère qui étudient chacun leurs matières à quelques pas de moi. Malgré tout, j’essaye de me rattacher au positif, car j’ai rarement été aussi proche de ma famille, je prends souvent des nouvelles de mes amies et j’ai pris goût au plein air avec de longues marches en forêt. À vous mes collègues futurs juristes, la peine de terminer mes études dans ce contexte bouleversant ne sera jamais aussi grande que le bonheur et les souvenirs que je me suis fait à la Faculté, à vos côtés.

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