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Philippe Morneau

Un gros boom, partie 2



Ceci est la suite d’Un gros boom, paru à l’édition précédente, soit la suite de la grandiose aventure d’exploration spatiale qu’offre SpaceX, tellement grandiose que son calendrier beaucoup trop optimiste et sa dangerosité sans bornes risquent de faire du projet l’échec le plus médiatisé au monde. Toutefois, vu mon fanboyism assumé quoique quasi nauséabond, je ne peux m’empêcher d’aborder ce projet des plus ambitieux. Après le boom d’une explosion, Elon Musk cherche à créer un autre boom, plus humaniste cette fois : celui d’étendre la vie sur Mars et d’y créer une colonie autosuffisante. Hein? Il est-tu fou? Oui.


Le 27 septembre dernier, à l’International Astronautical Congress tenu à Guadalajara au Mexique, Musk a présenté ses plans pour transporter les premiers humains sur Mars d’ici 10 ans. Après la conférence, CNN a passé en entrevue un John F. Kennedy mi-figue mi-raisin alors qu’il déclara à la fois qu’il admirait l’ambitieux projet et que le PDG de SpaceX, Elon Musk, avait « plagié mon discours de 1962, le torrieux! ». Pendant une conférence de plus d’une heure qui débuta avec son présentateur les bras croisés, puis les mains dans ses poches, comme si c’était une journée bien ordinaire, le monde entier se faisait expliquer le plan d’action de l’entreprise d’exploration spatiale pour faire marcher les premiers humains sur la planète rouge.


Si faire Montréal-Québec avec un peu de trafic vous fait sortir de vos gonds, attendez de voir en quoi le voyage proposé vient avec un paquet de troubles. D’abord, pourquoi aller ailleurs? On est ben icitte. Il fait pas trop chaud l’été (au pire t’as une piscine), il fait pas trop frette l’hiver (au pire t’as un jacuzzi), il y a en masse d’oxygène dans l’air, il y a de belles plantes vertes un peu partout (ces derniers points ne s’appliquent pas à la Ville de Montréal), tous tes amis sont ici et il y a une quantité suffisante de café et de bière pour être productif et être moins productif, respectivement. Tu peux même procrastiner en écoutant des vidéos sur YouTube des gagnants de Who Wants to Be a Millionaire. Rien de ça n’est sur Mars. Il faudrait offrir un meilleur service WiFi que celui des géantes canadiennes de télécommunication pour flâner sur Facebook. Mais il ne faut pas oublier la vision de ce cher M. Musk, soit que deux possibilités s’offrent à l’humanité : 1) on reste icitte et il surviendra inévitablement une catastrophe qui conduira la civilisation, voire l’espèce, voire la vie, à l’extinction ou 2) on sacre notre camp ailleurs de manière à augmenter les chances de survie de notre espèce. Personnellement, je préfère la deuxième option, mais à chacun ses préférences. Les astronomes amateurs qui préfèrent rester aux premières loges pour admirer un astéroïde fendre l’atmosphère ont certainement un gout inné du spectacle.


Comble de l’ironie, pour assurer la survie de l’espèce, ça prend une gang de courageux et/ou de fous pour aller coloniser d’autres corps célestes. En effet, SpaceX, le vendeur de rêves, ne s’est pas gêné pour ramener les gens à la réalité : pour partir en voyage sur Mars, vous devez a) être prêt à ne plus revenir sur Terre et b) être prêt à mourir. Vous avez bien lu. Les risques d’accident en chemin sont si élevés qu’on préfère vous en avertir 10 ans à l’avance. Personne ne pourra les accuser de cacher les défectuosités de leurs services dans les petits caractères en bas de page quand le pire scénario envisageable est télédiffusé partout sur le globe. Parmi les potentiels problèmes qui pourraient vous mener à la mort, notons 1) une explosion de la fusée, que ce soit sur son pas de lancement, dans l’atmosphère terrestre, en orbite terrestre pendant le ravitaillement ou à l’atterrissage sur Mars, 2) une radiation solaire ou cosmique dénaturant votre ADN en chemin vers Mars alors que le champ magnétique terrestre ne vous protège plus, 3) une détérioration de votre état de santé pendant le voyage vu l’absence de gravité, effritant ainsi vos os (Mesdames de 55 ans et plus, n’oubliez pas votre dose de calcium de la journée) et 4) une détérioration de votre état de santé une fois sur Mars vu la faible gravité, une mince atmosphère, des conditions de vie difficiles et un système immunitaire trop peu stimulé, sans compter les troubles psychologiques qui pourraient en résulter. Bref, du gros fun.


Si vous êtes un ou une dur(e) à cuire et que la mort dans de possibles atroces souffrances physiques et/ou mentales ne vous effraie pas, vous êtes sur la bonne voie. Il nous faut des candidats de votre genre. Pour élargir, donc, le bassin de candidats potentiels, SpaceX compte abaisser sérieusement le prix d’un voyage dans l’espace. Si on envoyait 12 astronautes sur Mars, chacun devrait débourser environ 10 G$ US, mon revenu moyen du lundi soir. Pour accommoder ceux au revenu plus modeste de ce monde, l’entreprise entend réduire au prix d’une maison moyenne aux États-Unis, soit 200 000 $ US, un billet aller-retour pour Mars. Pour ça, il faudrait qu’on ait 1 000 000 de curieux prêts à entreprendre ce voyage de 3 à 6 mois pour s’installer sur un gros morceau de roche.


L’essentiel dans l’abaissement du prix de voyage passe par la réutilisation des fusées, c’est-à-dire qu’une fusée qu’on envoie en orbite pour transporter de la cargaison ou du carburant devrait pouvoir revenir sur Terre une fois vidée pour être ensuite relancée en orbite. À titre de comparaison, Musk nous rappelle qu’à la fin du XVe siècle, les premiers colons européens à poser pied en Amérique ont pu le faire, car leurs navires étaient réutilisables. Ils n’avaient pas besoin de les reconstruire une fois sur la terre ferme du Nouveau-Monde et pouvaient donc retourner chez eux après un changement d’huile un peu trop dispendieux. Jusqu’à récemment, ce n’était pas le cas avec les vaisseaux spatiaux dont l’utilisation n’était limitée qu’à une seule fois. La technologie est loin d’être mise au point, mais c’est un passage obligé pour réduire les frais d’exploitation.


Les activités humaines pour les premiers colonisateurs de Mars tomberont dans la case des choses importantes (par exemple : survivre) plutôt que celle des choses divertissantes (par exemple : jouer au baseball avec une gravité six fois plus petite). Il faudra construire un dôme avec de l’air oxygéné purifié, il faudra miner la planète pour extraire du carburant pour retourner dans l’espace, il faudra faire pousser nos propres légumes, il faudra produire et stocker de l’énergie pour assurer la croissance de la colonie, il faudra créer des systèmes de plomberie, des dépotoirs, des réseaux électriques, électroniques, des hôpitaux et des cliniques psychiatriques (pour ceux qui seront incapables d’endurer le stress martien) et un réseau Internet sans fil (en passant, oublier ça skyper avec votre ami sur Terre, le plus court délai étant d’un peu plus de trois minutes lorsque les deux planètes sont à leur plus proche), entre autres. Il faudra aussi ériger un nouveau gouvernement et rédiger les lois martiennes, et ce, en tenant compte de l’arrivée de nouveaux colonisateurs de nationalités différentes au fil du temps, supposant que les États-Unis ne seront pas les seuls dans la course. Et j’en passe. Bref, il va y avoir de la job.


Mais tout ce travail reste banal à côté du projet d’envergure qu’est de terraformer la planète entière, c’est-à-dire la modifier pour qu’elle ait les caractéristiques les plus similaires possible à celles de la Terre dans le but de ne pas être confiné à un dôme. En d’autres mots, ça veut dire mettre des arbres et des lacs un peu partout pour que s’amusent des écureuils aux grosses bajoues et des p’tits poissons. Pour créer l’atmosphère que continuera de nourrir la végétation, Musk propose de faire détonner des bombes nucléaires à proximité des pôles martiens pour y faire fondre la glace et délivrer les gaz à effet de serre qui y sont prisonniers, une opération de routine.


Si ce n’est pas assez, SpaceX a été clair : Mars n’est que la première étape de la propagation de la vie multicellulaire dans le Système solaire. D’autres corps célestes devraient dresser la table pour y accueillir l’humain : la Lune, Europe, une lune de Jupiter, Titan, la plus grosse lune de Saturne, de même que la haute atmosphère de Vénus.


Donc, si vous êtes intéressés, passez me voir et je me ferai un plaisir de récolter personnellement votre 200 000 $ US avec les meilleures intentions. Si vous n’êtes pas intéressés, restez sur Netflix et espérez qu’aucun astéroïde ne vienne faire peur à votre bol de popcorn; le visionnement d'un documentaire sur l'extinction Crétacé-Tertiaire est de mise.

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