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Maxime Leboeuf

Laissons-les parler



On pourrait s’attendre d’élections encadrées par des règlements dument adoptés en assemblée générale, un mécanisme de démocratie directe, qu’elles favorisent un vote informé. Qu’elles encouragent les débats d’idée et la réflexion plutôt que l’apparence et le concours de popularité. Il semble toutefois qu’on soit encore loin du compte à l’AED.


C’est une remarque que plusieurs candidats aux élections ont faite aux membres du Pigeon, pointant du doigt l’impossibilité de véritablement expliquer les idées qu’ils proposent aux étudiants. Un coup d’œil aux règlements électoraux suffit à comprendre cette critique.


On y restreint notamment la période de campagne à environ une semaine, durant laquelle le droit de parole des candidats est sérieusement limité. Mis à part la possibilité de discuter avec les étudiants assez à l’aise ou disponibles pour les aborder à leur kiosque à la faculté, ils ne disposent effectivement que de trente secondes pour se présenter dans une vidéo promotionnelle, et de vingt à trente secondes lors des tournées de classe. Quant au midi-débat et au 4@7 d’élections, les candidats semblent là aussi trop sérieusement limités en temps pour convenablement exposer leurs idées. Dans une association étudiante d’environ 1 100 membres, on voit mal comment cela peut assurer un vote éclairé.


La possibilité de faire campagne en ligne est aussi lourdement encadrée; les candidats ne peuvent faire qu’une publication Facebook d’autopromotion par jour durant la campagne. On interdit également la sollicitation téléphonique ou en ligne, notamment par messagerie privée.


Ces importantes restrictions au droit de parole des futurs exécutants ont d’ailleurs créé certaines frictions avec la Direction des élections (DDE) cette année. Selon des documents obtenus par le Pigeon, la DDE aurait notamment empêché la publication d’un site web sur lequel se retrouvait le programme de l’Équipe Wow, indiquant qu’il s’agit d’une « zone grise » du règlement. Dans son mémoire, le parti faisait pourtant valoir une meilleure accessibilité aux idées des candidats sans forcément engendrer des problématiques de sollicitation abusive. Le Conseil d’administration (CA) a ensuite refusé cette proposition en appel de la décision de la DDE, quelques jours avant le début de la campagne, préférant une application stricte des règlements à une évolution en faveur de la libre circulation de l’information.


L’encadrement du processus électoral a bien sûr sa raison d’être. Questionné à ce propos, l’actuel VP aux affaires administratives a rappelé que cela permet d’équilibrer les moyens des candidats et éviter des abus, notamment par des exécutants sortants de l’AED qui seraient plus au fait des rouages du système. Il n’a toutefois pas voulu commenter davantage.


D’accord, l’intention est louable. Mais il semble que les règlements actuels font bien plus qu’éviter les dérapages; on favorise plutôt des idées et des débats abusivement synthétisés, minant ainsi la possibilité pour l’électorat de s’informer adéquatement. En vingt ou trente secondes lors des tournées de classe ou en vidéo, on ne laisse pas beaucoup de temps pour l’explication.


Et il ne s’agit pas ici de remettre en question le travail de la DDE cette année, au premier chef celui de sa directrice. Saluons d’ailleurs l’ouverture de celle-ci aux initiatives du Pigeon qui auront permis, nous l’espérons, d’enrichir le débat. Ce sont plutôt les règlements électoraux qu’elle est chargée d’appliquer qui présentent de sérieuses lacunes. Dans sa décision sur l’interdiction du site web, la présidente du CA précise d’ailleurs « [qu’elle] ne dit pas que l'idée de créer un site web n'est pas innovatrice et intéressante, cependant les règlements électoraux tels qu'ils sont présentement ne permettent pas l'utilisation d'une telle plateforme ».

Alors, la faute au zèle règlementaire de futurs juristes? Difficile de l’expliquer autrement, tant la charge de restrictions imposées aux candidats est élevée.


Certaines modifications permettraient d’améliorer la situation et s’assurer que les étudiants soient mieux informés aux prochaines élections. On pourrait, par exemple, accorder plus de temps de parole dans les vidéos, les tournées de classe et les débats afin que les candidats puissent expliquer convenablement leurs propositions. L’ouverture à des nouveaux moyens de diffusion de l’information, comme des sites web ou une utilisation accrue des réseaux sociaux, devrait aussi être envisagée. Par ailleurs, une réflexion sur les règlements électoraux permettrait également de soulever de nouvelles questions tel que la mise en place de mesures favorisant la parité et la diversité au sein du CE et du CA de l’AED.


Oui, il y a des contraintes de temps lors des tournées de classe et des midis-débats. Oui, on veut éviter que les étudiants soient abusivement sollicités par les candidats. Mais est-ce vraiment trop demander de leur accorder un véritable droit de parole l’espace d’une semaine pour réfléchir à ce que notre association étudiante pourrait être?


La refonte des règlements électoraux est un dossier qui devra être traité avec soin, vu le risque évident de partialité des exécutants qui y participeraient. Un comité composé de membres du CA et du CE ainsi que d’étudiants permettraient certainement d’éviter ce problème et d’en arriver à la meilleure solution pour les élections des prochaines années. En espérant que les candidats qui appuient l’idée d’une réforme électorale ne fassent pas un Justin Trudeau d’eux-mêmes l’année prochaine.



***

Dans mon éditorial du mois de février, je dressais une liste de quatre dossiers auxquels les futurs exécutants devront s’attaquer durant leur mandat : la diversité, la violence sexuelle, la santé mentale et la transparence. Quoique certaines questions demeurent sans réponse, je salue l’ensemble des candidats qui ont su faire preuve de créativité sur ces thèmes. On aurait bien sûr aimé une discussion sur les huis clos, mais les propositions des deux partis de mettre en place des outils de divulgation proactive et de consultation ont de quoi rassurer. Mention spéciale à la position du Parti Horizon sur la santé mentale qui rejette l’approche simpliste trop souvent proposée à la faculté en faveur d’une démarche scientifique visant les causes profondes du problème. "Une dépression, ça ne se règle pas avec du popcorn et des jeux de société", comme l'a habilement rappelé Bénédict Gauvin-Morin au débat des chefs du Pigeon.

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