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Sofia Panaccio - rédactrice en chef

Rétablir la confiance à la Nixon


À la fin du mois de février, en plein cœur de l’affaire SNC-Lavalin, Jody Wilson-Raybould a affirmé lors de son témoignage devant le comité permanent de la justice à Ottawa que certains de ses échanges avec Justin Trudeau et son équipe lui avaient fait pensé au Massacre du Samedi Soir – un épisode célèbre du Watergate.


The Saturday Night Massacre


Washington, Juin 1972 - L’arrestation anodine de cambrioleurs plutôt bien équipés dans les locaux du Parti démocrate à Washington marque le début d’un scandale d’espionnage politique sans précédent aux États-Unis. Le Watergate, nom de l’immeuble supposément cambriolé, passera à l’histoire comme étant le symbole de la corruption intrinsèque gouvernemental. Richard Nixon, alors en pleine campagne électorale pour un second mandat à la présidence, nie rapidement toute implication de la Maison Blanche dans cette tentative de vol et l’affaire passe sous silence. Il est loin de se douter qu’un mystérieux informateur, surnommé Deep Throat, dévoilerait bientôt aux Américains les irrégularités dans le financement de sa campagne, ses nombreuses obstructions à la justice, ses abus de pouvoirs et son fameux système d’écoute dans la Maison-Blanche. Ce n’est qu’en 1974 que le scandale du Watergate éclate au grand jour à la suite d’investigations journalistiques, notamment celles du Washington Post, et une enquête du Sénat américain. Menacé d’impeachment et au bord de la crise de nerfs, Nixon fini par démissionner le 9 août 1974 et est rapidement remplacé par Gerald Ford.


Avant sa démission, Nixon orchestre le fameux Massacre du samedi soir. Le 20 octobre 1973, il renvoie le procureur spécial indépendant Archibald Cox qui avait le mandat d’enquêter sur le cambriolage du Watergate pour le comité judiciaire du Sénat fédéral. Après avoir transmis un subpoena à Nixon afin d’obtenir les enregistrements des conversations de la Maison Blanche, Cox se bute à un refus et se voit plutôt proposer une version truquée des bandes sonores clandestines. Ne voulant pas se prêter au jeu de la corruption au côté de Nixon, Cox refuse le compromis et est renvoyé le lendemain. À la suite de cette injustice, le procureur général Elliot Richardson et le procureur général adjoint William Ruckelshaus démissionnent de concert à titre de protestation contre les abus de pouvoirs présidentiels. C’est à cette séquence d’évènements que Wilson-Raybould fait référence lors de son témoignage le mois dernier à Ottawa.

Le scandale du Watergate est-il réellement comparable à l’affaire SNC-Lavalin ? Il semble que cela soit une comparaison plutôt forte et sensationnaliste. Oui, des ingérences politiques ont été commises, mais Trudeau n’arrive pas à la cheville de Nixon en la matière. Les Libéraux auraient fait pression sur Wilson-Raybould afin d’éviter à SNC-Lavalin un procès pour fraude et corruption. Grave, mais il y a pire. Nixon, quant à lui, a monté une équipe d’espionnage constituée d’anciens agents secrets afin d’installer une ligne d’écoute clandestine à la Maison-Blanche et déterminer la provenance de la fuite des Pentagon Papers. Quand cette équipe d’espionnage clandestine, aussi appelé The Plumbers, s’est fait prendre la main dans le sac en juin 1972 au Watergate, Nixon a tout fait pour brouiller les pistes remontant jusqu’à la Maison-Blanche : falsification d’enquêtes, pots-de-vin, congédiements expéditifs, détournement de fonds, destruction de documents confidentiels et ainsi de suite. Rien de trop beau pour Monsieur Nixon !


Voter pour le moins pire


Ottawa, Mars 2019 - Saluons d’abord les Conservateurs qui ont tenté d’user de ce bon timing politique pour redorer leurs habits en vue des élections de l’automne prochain. Après le témoignage de Wilson-Raybould, ils se sont empressés de réclamer la démission de Trudeau, clamant que son ingérence partisane est suffisante pour le rendre inapte à la fonction de premier ministre du Canada. Le lien de confiance avec les Libéraux a bel et bien été fragilisé par toute cette affaire : un sondage Léger effectué début mars conclu que le Parti Libéral du Canada a reculé de 4% dans la faveur populaire québécoise depuis le 2 février dernier, soit le début de l’affaire SNC-Lavalin. Les Libéraux obtiennent maintenant 35% des intentions de votes des Québécois alors que le parti Conservateur en recueille 26%. Le PC a profité de cette situation en progressant de 5% dans les intentions de votes au Québec durant cette même période.


Il ne fait aucun doute que c’est l’affaire SNC-Lavalin qui a écorché Trudeau et fait briller les Conservateurs dans ce sondage. Andrew Scheer ne rayonne pas pour autant parmi les électeurs québécois. Seulement 16% d’entre eux l’ont désigné comme étant le meilleur candidat alors que Trudeau récolte 28% d’appuie.


En 2019, voter pour le moins pire semble malheureusement un adage. Reste que l’affaire SNC-Lavalin devrait-elle véritablement déterminer le vote des Québécois et des Canadiens ou cela ne reviendrait-il pas à changer le mal de place ? Voulons-nous jouer le même jeu que les Conservateurs et Wilson-Raybould qui ont manifestement voulu gonfler ce scandale à leur avantage ? Malgré tout ce qu’on puisse reprocher à Trudeau et sa garde rapprochée, nous sommes encore loin d’avoir notre Watergate canadien.


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