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Marc-Antoine Desrochers-Gignac

Mort aux déchets!



La veille de l’Halloween, Le Devoir apprenait avec stupéfaction que la Chine allait arrêter tout net d’acheter notre recyclage [1]. Je m’étonnai, comme plusieurs d’entre vous sans doute, du fait que le pays de Confucius nous achetait des matières dont nous ne voulions plus. Je ne pus m’empêcher de rigoler à l’absurdité de la chose. D’une part, je ne pensais pas que des déchets pussent avoir une valeur quelconque (voir à ce propos le jugement R. c. Allard, 2006 QCCQ 3080, ainsi que l’article 934 al. 2 du Code civil du Québec). D’autre part, je fus quelque peu attristé par l’attitude de notre société à l’égard du recyclage, et même des déchets. En effet, il y a plusieurs leçons à tirer de notre belle société capitaliste à soi-disant conscience écologique.


Premièrement, songer à envoyer notre recyclage à l’étranger a ceci d’ironique que nous devons polluer pour… dépolluer! Si nous recyclons tous, ce qui est une habitude excellente, c’est en pensant, à tort, que mettre du carton dans un bac vert plutôt que noir fera en sorte que nous diminuions notre empreinte écologique. Force est de constater que nous faisions tous et toutes erreur, car ledit carton voyageait sur plus de 10 000 km. Deuxièmement, je ne peux m’empêcher de considérer l’envoi de déchets en Chine comme un acte de pur colonialisme; l’Homme blanc s’acquitte de son fardeau en envoyant ses ordures outre-mer. À être un camarade de la République populaire de Chine (RPC), je serais outré de voir que mon pays est en fait un dépotoir gigantesque servant à alléger la conscience du Canadien moyen. Troisièmement, je trouve que le fait d’accepter sans gêne de vendre des déchets – recyclables – à un État prêt à les acheter témoigne de l’attachement profond qu’a notre société envers la loi du marché. Du moment qu’il existe un acheteur, pourquoi ne pas faire des profits sans considérations humaine, pratique ou écologique?


Certes, la RPC ne veut dorénavant plus de nos ordures (et avec raison). Or, la Chine avait annoncé son intention d’arrêter l’importation le 18 juillet 2017, et ce de manière conforme à la procédure de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) [2]. Tout Sherlock Holmes que nous sommes, il est possible de se demander comment ou pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas pris cela en considération il y a trois mois?


À mon avis, rien de mieux que de telles nouvelles pour enrichir le cynisme sévissant déjà dans la société québécoise. D’abord, on constate que l’on nous empêche d’être écologique, pour ceux et celles qui ont encore cet idéal à cœur. Ensuite, l’inaction du gouvernement et surtout son manque de pro-action sont des plus consternants. Enfin, on ne peut que se fatiguer devant notre impuissance.


Impuissance? Certes, les gouvernements n’agissent pas, mais vous, que pouvez-vous faire? D’abord, m’est avis que nous refusons de nous attaquer au réel problème, à la source originelle; autrement dit, bien que nous agissions de manière correcte en recyclant au lieu de jeter, nous continuons à nous mettre la tête dans le sable, à faire l’autruche ou même à nous mettre la tête dans l’autruche (Gérard Deltell, 2011). Nous nous contentons du moins pire, ce qui est à mes yeux d’une médiocrité intellectuelle et morale sans nom. Vous comprendrez bien que, malgré moi, j’ai failli baptiser cet article « l’Occident, écolo hypocrite », mais ça commençait à faire redondant… Cela dit, je n’en pense pas moins! L’hypocrisie, dans tout cela, vient autant de « l’Occident » en général que de monsieur et madame tout le monde. Quoi de plus hypocrite – ou naïf – en effet que de croire que mettre du carton et du plastique dans un bac différent les rendra magiquement inoffensifs? Ce n’est pas parce qu’on ne voit plus notre déchet qu’il n’existe pas, et continuer d’agir de la sorte, c’est faire la sourde oreille à un problème omniprésent. Si recycler est important, c’est probablement parce que nous attachons un tant soit peu d’importance à notre empreinte écologique et à la préservation de l’environnement. Bref, pour tout un chacun, recycler, c’est réduire ses déchets.



Si tel est notre but, pourquoi ne pas alors réduire ses déchets pour de bon? Depuis quelques années a germé l’idée du « zéro déchet », lancée officieusement par Béa Jonhson. C’est un objectif, rappelons-le, basé sur cinq principes bien simples : refuser, réduire, réutiliser, recycler et composter (en anglais rot, ça fait 5 R, t’a pognes-tu?), le tout dans l’ordre! Remarquez que nous nous trouvons à l’étape 4 ou 5, ce qui équivaut à 20 à 40% de réduction théorique. C’est, ma foi, assez faible.



En somme, si on peut bien entendu s’insurger de l’inaction de nos gouvernements et du consumérisme capitaliste, je vous suggère de commencer par effectuer une remise en question personnelle. Devant l’urgence de la crise et l’absurdité de la situation, sortez de la caverne, militez à votre rythme pour un environnement plus sain et tarissez le problème à la source. L’époque de la bonne conscience est révolue. Place à l’action et mort aux déchets!


Pour en apprendre plus sur le zéro déchet :



[1] Alexandre SHIELDS, « Le recyclage au bord de la crise », Le Devoir, 30 octobre 2017, en ligne : <http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/511629/le-recyclage-au-bord-de-la-crise>

[2] « China’s import ban on solid waste queried at import licensing meeting », Nouvelle de l’OMC, en ligne : <https://www.wto.org/english/news_e/news17_e/impl_03oct17_e.htm>

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