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Xavier Desrosiers

Du capital de sympathie et de la supériorité morale



Croyons médias, politiciens et autres bestioles de la sphère publique : nous vivons dans une sale ère. De la « montée de l’extrême droite » au « populisme », on devrait comprendre que les méchants en gagnent, du terrain. La Meute a pas d’allure. Donald Trump a pas d’allure. Son bon chum Kim Jong a pas d’allure. C’est ce qu’on se fait dire et c’est ce qu’on en vient à croire.


Après tout, c’est pour nous une position confortable. C’est si simple : Les méchants ne paraissent pas bien, on n’aime pas les méchants, alors on paraît bien. On devient alors de formidables chevaliers de la vertu. Le simple fait de se conformer à l’idée consensuelle nous garantit une paix d’esprit sans condition.


Il s’agit là d’un phénomène nouveau, plutôt vicieux et profondément hypocrite. La genèse d’une nouvelle élite. Alors qu’elle se qualifiait autrefois d’économique ou d’intellectuelle, l’élite d’aujourd’hui est plutôt morale. Faire partie de ce groupe peu sélect, c’est d’abord et avant tout refuser de passer au travers un quelconque cheminement intellectuel. C’est, autrement dit, ne pas se poser de questions. On regardera l’effet qu’aura sur nous une prise de position plutôt que les raisons qui nous poussent à penser ainsi. Ainsi, je vais diaboliser la Meute, parce que je vais bien paraître. Pourquoi je n’aime pas la Meute n’est pas important ; tant que je rejoins le consensus, on ne me posera pas de questions et je n’aurai pas à me justifier. Easy.


L’effet pervers du mouvement se traduit en un formidable appauvrissement du débat public.


Nombreux seront victimes d’une pure censure et privés d’exprimer librement leur opinion, par crainte de frôler le point sensible qui leur méritera une condamnation au tribunal social. Car oui, les Chartes et toutes les belles affaires du genre deviennent inutiles dans un contexte où mononcle s’improvise juge et bourreau. On a beau nous garantir la liberté d’expression, il sera difficile d’exploiter cette liberté fondamentale tant et aussi longtemps que les principaux influenceurs publics (médias et politiciens) manipuleront le débat à leur avantage.


Je continuerai en disant que non, je ne suis pas d’accord avec les groupes dits « d’extrême-droite » ; je trouve que ça paraît bien, de nos jours. Mais posons-nous des questions : la Meute a-t-elle directement commis un acte illégal ? Est-il admissible, en 2018, d’être contre l’immigration ? Kim Jong-Un ne joue-t-il pas ses cartes avec brio ?


Évidemment, on se refusera à même répondre à ces questions. Elles sont, de toute façon, inutiles. Que la Meute ait commis ou non quelque chose d’illégal, ça n’a pas d’importance. Comme les opinions de ses membres auront le malheur de ne pas se coller à la pensée générale, ils se méritent automatiquement un verdict de culpabilité au glorieux tribunal social. COUPABLE !


Coupable de quoi, au juste ? D’avoir joui de leur liberté d’expression ? D’avoir manifesté leur point de vue ?


La raison pour laquelle ces personnes et ces points de vue sont condamnés est double. D’une part, on veut, comme expliqué, se soumettre à la pensée générale afin de ne fournir qu’un effort minimal lorsque viendra le temps de prendre part à une discussion d’opinion. Mais c’est d’abord et avant tout pour une toute nouvelle richesse à la grandiose valeur qu’on voudra se ranger du côté du manifeste. Cette richesse, c’est le capital de sympathie. Ce dernier peut vous aider à trouver un emploi, vous faire des amis. Il peut même vous aider à vous faire sentir bien par rapport à vous-même. Wow !

Il s’agit là d’un flagrant témoignage du profond individualisme crasse qui afflige la société consumériste dans laquelle on survit. Les gens prétendent être altruistes, humanistes, ouverts d’esprit, le tout dans une manifestation d’une magnifique conscience sociale, alors que tout ce qu’ils font de si humain, ils le font exclusivement pour eux-mêmes.


D’où, notamment, la prolifération d’activités à caractère dits altruistes, comme les voyages humanitaires. Les adeptes de ceux-ci auront beau nous dire à quel point ce fût une expérience « enrichissante » qui a fait une « réelle différence » dans la vie des gens là-bas, parions que le véritable objectif de leur odyssée (outre la nouvelle photo de profil) aura été de pouvoir mettre en avant-plan la grande qualité de l’humain qu’ils sont ; ouvert, généreux, trala.


Nous aimons nous sentir bien par rapport à nous-mêmes. Mettre sa tête sur l’oreiller en se disant qu’on est un bon p’tit humain. C’est normal et même sain. Il n’y a rien d’égoïste à accomplir des actes dans le but de tomber en admiration devant notre reflet. Je le fais. Vous le faites. Et c’est bien correct.


L’ennui surgit au moment où cette auto-admiration s’enfuit de la sphère privée pour aller retrouver les oreilles de toute chose capable de porter un jugement sur qui nous sommes. C’est là qu’on assiste à un appauvrissement du débat, à l’avènement de barrières contre la liberté d’expression et même, dans une certaine mesure, à la naissance d’un discours victimaire.


C’est comme si notre propre médiocrité ne nous suffisait pas et qu’on devait se nourrir du malheur des autres.


Alors la prochaine fois que quelqu’un flashera sa carte de Québec Solidaire, ira à Tout le monde en parle pour diaboliser Trump ou dénoncera (très) haut et (très) fort la montée de l’extrême-droite, demandez-vous c’est qui, en réalité, qui n’a pas d’allure.


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