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Florence Clermont

Chère Madame Lorain



J’ai été abasourdie par votre désaveu, à Tout le monde en parle, de la parité homme-femme; celle-ci me semble être une cause dont on ne peut pas affirmer « en avoir rien à cirer ». Il serait injuste de vous reprocher de ne pas être une militante active. Cependant, ne pas être une alliée pour vos consœurs qui ne jouissent pas comme vous d’une grande visibilité – et donc du pouvoir à titre d’actrices de changement sociaux – m’apparait grave. En avoir rien à cirer, c’est se désolidariser des autres femmes, puis des hommes souffrant à leur côté, et c’est faire preuve d’un manque flagrant d’empathie.


J’ai la chance d’être à l’université et d’apprendre des théories féministes de la justice sociale. Quand j’entends une femme de votre statut balayer de la main ce que des milliers de femmes académiciennes s’emploient à théoriser, à expliquer et à mettre à l’ordre du jour, j’ai mal au ventre. C’est peut-être inconscient de votre part, mais ce n’en est pas moins lourd de conséquences. Votre déclaration aurait dû être fondée sur de véritables justifications. Votre discours diminue au silence ce que ces femmes s’efforcent à nommer, pour mieux combattre les inégalités dont sont plus durement touchées les femmes. Les femmes noires ― les femmes racisées en général ―, les femmes pauvres et les femmes handicapées subissent encore plus durement cette invisibilité à laquelle les condamnent les discours comme le vôtre. Certes, votre intervention s’inscrivait dans le cadre du milieu télévisuel, mais ses principes moraux sous-jacents sont problématiques dans le cadre de notre société. La pitié et la condescendance n’ont rien à voir avec l’objectif paritaire que vous qualifiez, et à juste titre selon moi, de bataille. Vous le savez, les femmes font face à plus d’obstacles que les hommes, en raison d’injustices structurelles, sur le marché du travail. Reconnaitre ces inégalités, par des politiques paritaires et jusqu’à l’établissement d’une égalité de faits, n’est pas une question de pitié ou de victimisation. L’on peut reconnaitre être victime sans vouloir endosser ce rôle. La victimisation n’est pas une condamnation. Lorsqu’on parle de quotas, il n’est pas question d’employer des femmes incompétentes à la place d’hommes compétents. Il est question d’amoindrir, par des mesures qui peuvent être très spécifiques selon le milieu, l’impact des injustices que vivent des femmes. Des femmes qui ont les compétences requises pour l’emploi, mais qui rencontrent des obstacles en raison de leur genre. C’est rétablir l’égalité des chances.


Il est bien beau que vous soyez en moyen de faire votre place, mais plusieurs femmes, elles, ne sont pas disposées à le faire. Ce sont elles qui ont besoin de vous, ne serait-ce que par une validation de leur lutte.

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