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Camille Rochon

Enfin, mais…


Enfin. Enfin, le mot est sur toutes les lèvres. Peut-être pas toutes, mais beaucoup plus qu’il y a de cela seulement quelques mois. Il faut croire que le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui faisait état d’une ultime urgence d’agir pour contrer le réchauffement climatique et d’une nécessité de «changements rapides, très profonds et sans précédent dans tous les aspects de la société», a au moins su faire sonner une alarme chez certains : « le réchauffement climatique est une réalité et il faudrait peut-être s’activer ».


Malheureusement, le fait est que c’est le genre de réflexion qu’il aurait fallu avoir il y a plusieurs années déjà, lorsque les scientifiques ont commencé à donner des avertissements. Pas aujourd’hui. Car essentiellement, ce que nous dit le GIEC, en 2018, c’est qu’à moins d’un changement de cap majeur, il sera bientôt trop tard. Il ne nous dit pas de nous conscientiser et de changer nos habitudes; il nous dit que si les États ne font pas des virages à 180 degrés dans leurs politiques et que si le fameux objectif du 1,5 degré n’est pas respecté, plusieurs écosystèmes seront perdus, des espèces animales continueront de s’éteindre et pour plusieurs populations plus vulnérables, le climat sera même une question de vie ou de mort.


Le 26 octobre dernier, dans le cadre du festival Le monde ensemble, une collaboration entre Le Devoir, Le Monde et le Musée des beaux-arts, j’ai assisté à la conférence « Urgence climatique : les politiques sont-ils irresponsables ? ». Un des conférenciers était François Delorme, professeur en économie de l’environnement à l’Université de Sherbrooke, qui est un des collaborateurs du rapport d’experts du GIEC. Au cours de la conférence, il a bien soulevé la gravité de la situation : les experts, sachant qu’à un tel rythme, nous n’atteindrons pas la cible du 1,5 degré (d’ailleurs, si tous les pays de l’Accord de Paris respectaient leurs engagements – et la majorité n’est pas du tout sur la bonne voie – , le réchauffement climatique serait d’environ 3 degrés d’ici la fin du siècle), en sont rendus à réfléchir à des technologies qui permettraient de retirer du CO2 de l’atmosphère pour ralentir le réchauffement. Cela résume bien la gravité du bilan : pour sauver la mise, ça nous prend une technologie qui n’existe même pas.


Loin de moi l’intention d’être fataliste dans mes propos. Je veux simplement réitérer (on ne le fera jamais assez) à quel point la situation est critique. Beaucoup n’y croient plus. Des politiciens ont claqué des portes devant l’inaction, des journalistes, notamment Patrick Lagacé, ont exprimé leur désillusion, des scientifiques ont baissé les bras. Mais moi, comme plusieurs, je garde espoir. Je refuse de croire que l’humanité est naïve à ce point. Longtemps, la question environnementale fut écartée du revers de la main. Parce que c’était trop loin, trop abstrait (le long-terme n’a jamais beaucoup de succès politique), trop éloigné de nos petits nombrils.


Mais maintenant que les impacts du réchauffement climatique sont réels, imminents, observables et tangibles, comment justifier l’inaction politique et les millions de paires de yeux bandés ? Difficilement. L’intervention récente de l’acteur et chanteur Émile Proulx-Cloutier, citant même Richard Martineau (oui, oui), à l’émission Tout le monde en parle allait dans ce sens et était plus que pertinente : la question écologique, à l’heure actuelle, ne devrait plus être une question de gauche ou de droite et elle devrait transcender les idéologies. Comment dire mieux ?


Encore aujourd’hui, je reçois des commentaires amicaux, taquins et affectueux d’amis et de proches me qualifiant de « grano », de « bobo », de « gauchiste » parce que je suis végétarienne, que je surveille activement ma production de déchets, que je tente par tous moyens de réduire ma consommation de plastique et que je me préoccupe grandement de mon empreinte écologique. Bien sûr, je prends ces commentaires avec un grain de sel, avec rires et amicalité.


Mais il demeure que cet humour est déconnecté. Ce n’est pas – du moins, ce n’est plus – une question d’idéologie politique. C’est une question humaine, de gros bon sens. En fait, il n’y a pas question plus universelle que celle de l’avenir de la Planète, car elle transcende non seulement les allégeances politiques, mais aussi les frontières, la religion, le statut socio-économique; elle nous concerne, tous et chacun, dans notre statut fondamental d’habitants de la Terre, et ce, qu’on ait commencé à en subir les conséquences désastreuses comme les populations insulaires ou qu’on se croit encore bien à l’abri de tout cela dans notre salon, derrière notre télé.


Je crois qu’une des difficultés de la question environnementale repose sur son immensité. Je l’ai mentionné, ça a parfois semblé trop loin, trop abstrait, d’accord, mais cela est de moins en moins vrai alors que pleuvent les rapports onusiens et les diagnostics accablants. Mais que ça semble trop gros, trop titanesque pour le tout petit être humain que nous sommes parmi une marée d’autres, c’est plutôt normal. Des problèmes d’aussi grande envergure, à aussi grande échelle, ont certainement de quoi provoquer un sentiment de vertige, d’impuissance ; une impression d’être un grain de sable dans le désert.


Mais s’arrêter à cette réflexion serait beaucoup trop facile et manquerait sévèrement de nuance. Nous avons beau être un parmi des milliards, nous avons tous notre part de responsabilité dans le problème et nous avons tous des actions personnelles majeures à entreprendre, notamment de réduire notre consommation de pétrole, de déchets, de plastique, d’énergies non renouvelables, de viande, etc. C’est d’ailleurs le pacte que proposent des centaines de personnalités québécoises par le biais de leur « Pacte pour la transition énergétique » que les Québécois sont invités à signer : passer des paroles aux actes et s’engager à réduire notre empreinte écologique.


Malgré ce qu’on dira, il n’est pas dénué de fondements, ce sentiment de vertige. Nous avons beau, à petite échelle, faire de grands efforts, si les politiques ne vont pas dans cette même direction, les actions individuelles cumulées seront vaines devant la grandeur et l’urgence du problème. Le Pacte le reconnaît bien : les citoyens qui le signent s’engagent à plusieurs gestes quotidiens énumérés plus haut, mais en contrepartie, ils s’attendent à ce que les gouvernements légifèrent et réglementent pour forcer le respect des engagements provinciaux et nationaux en matière environnementale, pour fixer des cibles véritables de réductions des émissions des gaz à effet de serre et qu’elles soient respectées et, tout simplement, pour mettre en branle des actions réelles et ambitieuses. C’est d’ailleurs dans cet esprit qu’est née l’initiative de la marche « La planète s’invite au parlement » du 10 novembre : signifier au nouveau gouvernement que l’environnement doit faire partie de ses priorités et que le Québec est concerné par l’héritage qu’il laissera à la génération future si l’inaction persiste.


En 2018, il n’y a plus d’excuse valable pour l’indifférence ou les belles paroles vides en ce qui a trait au réchauffement climatique et à l’environnement. Déplorer la situation lorsqu’on lit ou qu’on regarde les nouvelles, utiliser une paille en bambou et manger un burger « Beyond Meat » du A&W ne suffit pas, tout comme être 100% végane, limiter ses transports à l’extrême et crier au meurtre à la vue de chaque morceau de plastique n’est pas obligatoire. Mais il faut faire notre part en entreprenant une prise de conscience majeure et en mettant en branle des changements concrets dans notre quotidien et surtout, exiger beaucoup plus des gouvernements de tous les paliers. Il va bien falloir enlever nos lunettes roses, un jour.



NOTE : Si vous ou des personnes de votre entourage êtes toujours sceptiques, ces calculateurs d’empreintes écologiques auront probablement de quoi, du moins, sonner une cloche (aussi recommandé par le Pacte pour la transition énergétique) :




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