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Erika MacInnis

Abolition ou abomination : que promet l'abolition des commissions scolaires par la CAQ ?


Considérant que la Coalition Avenir Québec (CAQ) a récemment déclaré qu’elle enquêterait sur la Commission scolaire English-Montréal en raison d’allégations de mauvaise gestion, il n’est pas difficile de croire qu’il existe un lien entre cette enquête et le plan du gouvernement provincial qui vise à dissoudre les commissions scolaires québécoises.


À ce moment dans l’histoire, les plans de la CAQ pour les commissions scolaires n'ont généralement pas été bien reçus. Les détails exacts de leur proposition restent encore flous plus d’un an plus tard et ce que la CAQ a révélé est difficile à comprendre. Le parti politique a annoncé que le projet de loi transférerait le pouvoir des commissions scolaires aux « centres de services » gérés par des parents, des enseignants, des directeurs, des membres de la communauté, ainsi que d'autres acteurs impliqués dans cette situation. Je ne sais pas pour vous, mais il s’agit de la première fois que j’entends parler de cette expression omineuse qu’est « centre de services », et sa signification reste pour moi un mystère. La notion semble acceptable en principe : les parents et les enseignants auraient plus de contrôle sur les décisions qui les concernent, mais il est difficile d’envisager comment cet arrangement fonctionnerait exactement et prendrait forme.


Il n’est pas déraisonnable de supposer que, bien que les conseils scolaires se préoccupent d’abord des priorités de la communauté, ces centres de service (tels que nommés par le gouvernement) vont tout d’abord agir en fonction des préférences du gouvernement. Ce n’est peut-être pas l’arrangement idéal pour un établissement destiné à aider ceux qui reçoivent une éducation. De plus, il existe une raison très simple pour laquelle les commissions scolaires existent. Sans conseils scolaires, plus de 3 000 écoles présentes au Québec devront communiquer directement avec le gouvernement provincial afin de discuter de leur budget et de leurs services, ce qui équivaut essentiellement à la création de 3 000 nouvelles commissions scolaires. Les commissions scolaires ont également été créées afin de répartir les fonds et les ressources de manière équitable, ce qui risque d’être plus difficile à réaliser pour le gouvernement. Compte tenu de tout cela, il est difficile d’imaginer en quoi l’initiative de la CAQ pourrait être une bonne contribution au système scolaire québécois.


Un élément d’importance cruciale est qu’il ne faut pas un membre de la Faculté de droit pour savoir que le plan de la CAQ semble s’opposer à la Constitution. De fait, des groupes de défense des droits anglophones soutiennent que l'élimination des commissions scolaires élues violerait le droit constitutionnel des Québécois anglophones de contrôler leurs propres institutions scolaires ou d’enseignement. L’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit à la communauté anglophone le droit de contrôler et de gérer ses établissements d'enseignement, n’est pas soumis à la clause dérogatoire. Autrement dit, il est impossible d'aller contre les droits prévus à l'article 23 avec l'utilisation de la clause dérogatoire.


L’Association des commissions scolaires anglophones du Québec (ACSAQ) a déclaré qu’elle amènerait cette lutte contre la possibilité de l'abolition des commissions scolaires jusqu'à la Cour suprême du Canada, si c’est ce qu’il faut pour que le plan ne soit pas réalisé. Cependant, le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, a affirmé que la CAQ n'avait pas peur de se lancer dans une bataille juridique. Celui-ci a déclaré qu'elle avait effectué leurs travaux de recherche et déterminé que leur loi sur les commissions scolaires respecterait la Constitution et les droits de la communauté anglophone. Seul le temps dira si la CAQ a réellement le pouvoir d'abolir les commissions scolaires du Québec, en particulier les commissions anglophones.


Que la proposition déroge à la Constitution ou non, celle-ci reste insensée. Bien que la CAQ ait déclaré que les élections dans les conseils scolaires coûtent en moyenne 20 millions de dollars par élection et que leur élimination permettrait certainement au Québec d’économiser de l’argent, il est difficile de croire que, du point de vue financier, les choses seraient si simples. Les employés du gouvernement n'auraient-ils pas plus de travail à faire, compte tenu du besoin de communiquer avec plus d'écoles qu'auparavant ? Si les parents et les enseignants reprennent les emplois qui étaient antérieurement occupés par des travailleurs rémunérés, quelqu'un ne devrait-t-il pas superviser leurs décisions ? Cette inefficacité coûterait sûrement cher.


La CAQ doit savoir que l’élimination des commissions scolaires ne serait probablement pas la mesure économiquement avantageuse qu’elle a tant vanté. Une question se pose alors au milieu de ce débat : quelle est leur motivation à vouloir se débarrasser des commissions scolaires ? Bien que la CAQ traite de cette idée depuis plus d’un an, on ne trouve pas vraiment de raisons concrètes qui justifient cette initiative. Plusieurs ont rapidement sauté à la conclusion que cette initiative est une manière indirecte de dépouiller les droits de la communauté anglophone. Bien que j’aie initialement hésité à croire que ceci était le cas, la CAQ ne me laisse pas beaucoup d’autres options.


L'intérêt spontané de la CAQ à enquêter sur la Commission scolaire English-Montréal clarifiera potentiellement leur véritable motivation pour l'abolition des commissions scolaires. Nous allons donc attendre de voir ce qui découlera de cette investigation.


Réferences


Philip AUTHIER. Anglos vow to fight CAQ plan to abolish Quebec's school boards. 18 janvier, 2018. Montreal Gazette. En ligne.


Ainslie MACLELLAN et Kate MCKENNA. With CAQ's plan to abolish school boards, stakes are high in EMSB probe. 17 janvier 2019. CBC News. En ligne.


CAQ and English schools group dig heels in over plans to abolish boards. 29 novembre 2018. CTV Montreal. En ligne.


School board federation confident of winning over CAQ government. 8 octobre 2018. Montreal Gazette. En ligne.



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