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Nadine Tahan

La normalisation de l’islamophobie



50 morts, des dizaines d’autres blessés. C’est le résultat des attaques qui ont eu lieu dans deux mosquées en Nouvelle-Zélande le 14 mars dernier par un extrémiste blanc. L’assaillant a filmé en direct alors qu'il tirait sur des musulmans durant la prière du Jumm'a (vendredi). Il a publié la vidéo en ligne pour que le monde entier puisse la visionner. À ce stade, nous ne pouvons pas nier qu’un des motifs principaux derrière les attaques étaient les convictions islamophobes de l’auteur. En fait, dans un manifeste qu’il a publié en ligne quelques moments avant les fusillades, il a exprimé son dédain pour les musulmans - des gens qu’il considérait comme des envahisseurs des pays occidentaux.


Je ne me considère pas comme une musulmane pratiquante. Je ne connais qu'une seule prière par cœur, soit celle de la Surah al-Fatiha. C'est généralement la première prière que l’on apprend quand on grandit dans une famille musulmane. C’est aussi celle que je récite avant chaque examen, par habitude. D’ailleurs, je ne vais à la mosquée qu’une fois par année au jour de l’Eid al-Adha, la journée marquant la fin du Ramadan. Malgré ceci, j’ai toujours le sentiment de faire partie de la communauté musulmane. La violence contre toute personne me perturbe, mais elle me touche particulièrement lorsqu’il s’agit de violence perpétuée contre des gens qui ressemblent aux membres de ma propre famille.


Nous avons tendance à attribuer ces types d’attaques à des individus singuliers ou troublés. Il est vrai que l’auteur de cette fusillade ne représente pas la majorité des personnes non musulmanes dans le monde. Cependant, cet acte terroriste ne s’est pas produit par hasard. Nous vivons dans une époque où l'islamophobie est normalisée dans le discours public à travers le monde. Nous n’avons pas à chercher très loin pour trouver des exemples. Depuis les deux dernières années, nous avons vu le président américain Donald Trump faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher des immigrants, dont beaucoup viennent de pays musulmans, de s’installer aux États-Unis.


Depuis les attaques, plusieurs personnes ont offert leurs pensées et leurs prières à la communauté musulmane affectée par ces actes macabres. Des personnalités politiques importantes comme Barack Obama et Justin Trudeau ont exprimé leurs sympathies envers la communauté. Malheureusement, les pensées et les prières ne mettront pas fin au racisme ni à l’islamophobie, surtout lorsqu’ils proviennent de politiciens ayant bombardés des pays majoritairement musulmans par le passé (au nom de la liberté, bien sûr) [1] [2]. Encore moins lorsqu’ils proviennent d’Alexandre Bissonnette qui a lui-même massacré 6 hommes musulmans et en a blessé 19 autres l’année passée [3].


Que pouvons-nous faire? Je ne prétends pas avoir une solution définitive à la haine que certaines personnes ressentent envers les personnes racisées et les minorités religieuses. Par contre, je crois qu’il est temps que nous regardions nos propres entourages et que nous tenions certaines personnes responsables pour leurs idéologies xénophobes. Pensez à votre oncle raciste qui dit une blague odieuse autour de la table à Noël, ou à votre ami qui partage des remarques islamophobes sur Facebook. Il est certainement plus facile de les ignorer que d’intervenir. Personne ne désire s’impliquer dans une situation aussi inconfortable. Par contre, c’est précisément avec ce genre de blagues et de commentaires insensibles que ces idées deviennent normalisées dans notre société. En restant silencieux, nous envoyons implicitement le message que ces idées sont acceptables, et que le mauvais traitement des personnes que nous considérons comme “autres” est bel et bien justifié.


J'espère qu'un jour les musulmans seront représentés comme des êtres humains dignes de la compassion et d’humanité dans les médias. J'espère également que les politiciens arrêteront de répandre des discours haineux sur la communauté musulmane. Mais je ne retiendrai pas mon souffle. Le changement doit tout d'abord avoir lieu au niveau de la société. Plutôt qu'attendre que les musulmans se forcent à prouver leur humanité, j’encourage les non musulmans à jouer davantage un rôle actif dans la dénonciation de rhétoriques négatives à l’égard de ce groupe. Faudra-t-il un autre carnage pour enfin comprendre que le climat social dans laquelle nous vivons peut en fait avoir des conséquences dévastatrices sur des groupes vulnérables?


Que les victimes de ce crime reposent en paix et que nous ne soyons jamais témoins d’un crime aussi atroce commis contre une autre communauté.





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