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Émilie Paquin

Harry Potter n'est pas Riddikulus



Fans de Harry Potter, nostalgiques de Dumbledore et rêveurs du Terrier,

le 14 octobre et le 18 novembre sont probablement des dates qui évoquent autant de joie dans votre tête que l’arrivée de Fumseck dans la Chambre des Secrets.


Le 14 octobre, c’est la sortie en français de Harry Potter et l’Enfant Maudit (Harry Potter and the Cursed Child), le huitième livre qui, contrairement à ses sept prédécesseurs, est sous forme de pièce de théâtre, laquelle est inspirée d’une histoire coécrite par notre bonne vieille amie J.K. Rowling. Merci à cette maison d’édition, puisque débourser 40 $ au Renaud-Bray pour lire la pièce coûtera définitivement moins cher que le billet Montréal-Londres pour assister à une représentation de ladite pièce. Pour ceux qui attendaient la version francophone du bouquin (« En français s’il-vous plaît » - PKP) ou ceux qui ne se doutaient pas qu’une suite de Harry Potter existait (ne vous qualifiez pas de « Potterhead » dans un tel cas (1)), l’histoire débute à même la fin du septième tome de la saga. Rendez-vous à la plateforme 9 et 3/4 pour l’entrée à Poudlard d’Albus Severus Potter.


Le 18 novembre, ce sera plutôt assise dans un siège inconfortable du cinéma du Carrefour du Nord avec, à la main, une slush bleue qui a coûté 76 $ que vous pourrez me trouver. Les Animaux Fantastiques (Fantastic Beasts and Where to Find Them) sort sur grand écran à cette date. Et on a hâte. Vous avez aimé les quatre derniers films de la série Harry Potter? Tant mieux, car David Yates est de retour pour réaliser ce chef-d’œuvre (c’est sûr que ce sera un chef-d’œuvre) qui nous replongera dans notre univers magique préféré. Vous pouvez également verser une larme de joie, c’est notre J. K. adorée qui a écrit le scénario de ce film (et des deux autres films qui suivront). Sans y retrouver les personnages « classiques » de la saga, on y rencontrera Norbert Dragonneau, un ancien directeur de Poudlard et le célèbre auteur du manuel scolaire « Les animaux fantastiques », disponible sur le Chemin de Traverse (et non à la Coop Droit). Quoique si vous faites un tour dans une librairie, il se pourrait que vous mettiez la main sur un exemplaire. Le manuel est en effet accessible aux Moldus.


Pour les gens qui lisent cet article et qui se disent : « Non, mais, le Pigeon est vraiment rendu bas, avec ses articles sur de la bière et sur des livres pour enfants », sachez, chers lecteurs et lectrices, que le monde de Harry Potter représente bien plus que des dragées surprises à saveur de poubelle et d’araignées grosses comme une petite voiture (« Acromentule » est le terme exact).


Dans la rubrique « J’aime tellement Harry Potter que je dis Lumos lorsque j’allume des lumières », il est possible de dresser une analogie quasi parfaite entre la saga et la Deuxième Guerre mondiale. J’exagère sur le « quasi parfaite », mais reste que plusieurs aspects des livres ont une concordance étonnante avec cette sombre époque du XXe siècle. Voici pourquoi.


D’abord, les techniques de propagande. Dès son arrivée au pouvoir en 1933, Hitler crée le ministre de l’Information et de la Propagande, avec à sa tête le très terne Joseph Goebbels. Un phénomène similaire se produit suite à la chute du Ministère de la Magie, dans le septième tome. Les deux régimes, d’un côté le nazisme et de l’autre les Forces du Mal, utilisent le même procédé : photo en noir et blanc et gros écriteaux de couleur écarlate. Ils projettent également le même but, qui est d’éliminer les « indésirables », une « race » (Juifs ou Nés-Moldus selon le cas) et les combattants du régime. Voulue ou pas, la ressemblance est… magique.


Ensuite, les deux chefs, l’un chancelier du IIIe Reich, l’autre nommé comme le Seigneur des Ténèbres, représentent également la ressemblance entre ces deux guerres. Le personnage historique et le personnage imaginaire prônent la pureté du sang comme indicatif de statut social (et de survie par le fait même). Dans leur monde respectif, les Juifs et les Nés-Moldus compromettent leur existence seulement parce qu’ils ne sont pas de la race aryenne ou des Sang-Pur. Et au cas où ce n’est pas assez évident, ces deux méchants souhaitent dominer le monde, rien de moins.


Étonnement, Hitler et Voldemort pourraient même se ressembler sur le changement de leur nom. Originellement, le grand mage noir se nommait Tom Jedusor (moins épeurant que « Voldemort ») alors qu’une rumeur circulait que le véritable nom du chef nazi était Schicklgruber. Même si cette rumeur ne s’est pas avérée (2), les ennemis du petit homme à la moustache étrange utilisaient son supposé vrai nom pour le terrifier, de la même manière que le Professeur Dumbledore recourait à « Tom » lors de ses talks avec le Seigneur des Ténèbres.


Toujours dans l’homologie entre Hitler et Voldemort, les deux chefs sanguinaires renient leurs origines familiales qui contredisent leur conception du monde. D’une part, Hitler serait d’ascendance juive, puisqu’un riche propriétaire juif séduisit sa grand-mère paternelle. D’autre part, Voldemort, alors Tom Jedusor, apparaît dans une famille peu conventionnelle, même dans le monde de la sorcellerie : sa mère, Merope Gaunt, descendante de Salazar Serpentard (un ultra Sang-Pur), tombe éperdument amoureuse d’un Moldu, un notable du village de Little Hangleton, nommé Tom Jedusor Senior (3). Après de nombreuses heures de stalkage et un philtre d’amour plus tard, bébé Tom voit le jour. Ainsi, Voldemort, avec un père Moldu, ne peut être considéré comme un Sang-Pur et entre dans la catégorie des Sang-Mêlé. Bébé Tom devenu grand (et atrocement méchant), souhaite éliminer cette « impureté » et change donc de nom. Cependant, les partisans hitlériens et « voldemoriens » ne semblent pas accorder beaucoup de crédits à la généalogie de leur chef respectif.


L’ascension des antagonistes se produit parallèlement à l’appui omniprésent de groupes influents. Hitler bénéficie du soutien de la droite conservatrice, dont les membres sont principalement issus de l’aristocratie et de propriétaires de grande fortune assoiffés de pouvoir, tout comme Voldemort, qui reçoit l’appui des familles Lestrange, Malefoy et Black (si vous doutez de la richesse de ces familles, écrivez « Manoir Malefoy » sur Google).


Finalement, que serait cette analogie sans aborder l’aspect d’oppression des peuples? Du côté réel, les Juifs sont victimes du régime totalitaire d’Hitler et ce dernier met en place la « solution finale », qui consiste en l’élimination systématique de toute la population juive. Du côté imaginaire, les Nés-Moldus remplacent les Juifs : dans le tome VII de la saga, le Ministère de la Magie, alors sous l’emprise des Forces du Mal, instaure la Commission d’Enregistrement des Nés-Moldus, où, grosso modo, vous passez un très mauvais quart d’heure si vos parents ne sont pas sorciers. Dans les deux cas, le simple fait d’être d’une origine « indésirable » suffit pour subir une discrimination abusive de la part du pouvoir politique. Le titre d’une brochure trouvée dans le bureau de la rosée et assez-horrible-merci Dolores Ombrage illustre très bien le calvaire vécu par les Nés-Moldus : Les Sang-de-Bourbe et les Dangers qu’ils représentent pour une société de Sang-Pur désireux de vivre en paix (4). Remplacez « Sang-de-Bourbe » par « Juifs », et je n’ai aucune difficulté à croire qu’une telle brochure aurait pu exister entre 1939 et 1945.


Divers aspects analogues pourraient aussi être soulignés au passage. Il y avait la présence d’une radio clandestine, Potterveille dans Harry Potter et la BBC lors de la Deuxième Guerre mondiale, qui envoyait des messages codés aux alliés. Notons aussi les initiales de Salazar Serpentard (« SS » pour les moins rapides), dont la haine absolue envers les Nés-Moldus était reconnue, qui se rapprochent du nom de la Waffen SS, branche militaire de la Schutzstaffel prônant des conceptions hitlériennes radicalisées.


***


La saga Harry Potter propose plus que de futiles babillages : Vous, universitaires aguerris, adultes mûrs et citoyens sérieux, pouvez replonger dans l’univers enfantin pour redécouvrir un aspect jusqu’alors profondément enfoui dans l’Allée des Embrumes.


En espérant avoir ravivé la flamme « pottérienne » qui sommeillait en vous, il est évident que le phénomène Harry Potter ne disparaîtra pas par magie (badum-tsss).

1. Mot utilisé pour désigner les fans de la saga Harry Potter.

2. http://www.nytimes.com/1990/05/06/opinion/l-hitler-never-really-was-schicklgruber-016390.html

3. J. K. Rowling, Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé, Londres, Gallimard, 2005, p. 235.

4. J. K. Rowling, Harry Potter et les Reliques de la Mort, Londres, Gallimard, p. 270.

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