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Vincent Bernier

Par en arrière



Plus d’un an après la conquête du palier fédéral par le Parti libéral du Canada, voilà que le désenchantement, dans mon cas à tout le moins, fait place au marasme et au cynisme. J’avais au départ certaines réserves vis-à-vis d’un programme promettant des investissements de 30 milliards de dollars dans les « infrastructures » canadiennes lesquelles étaient aussi bien définies avant qu’après ma lecture de la plateforme électorale libérale. Bien sûr, j’étais prêt à pardonner l’opacité de la nature de ces investissements devant les nombreuses promesses de changement réitérées à maintes reprises par le chef de file de cette formation politique nous apparaissant comme un parangon de transparence et d’intégrité. À cet effet, il est utile, je crois, de rappeler que la formation libérale promettait en campagne électorale de porter un accent particulier sur la considération des enjeux environnementaux (concept inexistant chez les Conservateurs les ayant précédé), de montrer davantage de transparence dans le cadre de l’exercice du pouvoir, d’accueillir 25 000 réfugiés syriens et (roulement de tambour) de réformer le système électoral canadien.


Ainsi, il appert qu’il est aujourd’hui pertinent d’évaluer jusqu’à quel point la formation politique à la tête du pays s’est acquittée des objectifs qu’elle s’est elle-même fixés. Une appréciation du respect des engagements susmentionnés s’impose donc en de telles circonstances.


Tout d’abord, il est pertinent de mentionner l’opinion de Patrick Bonin de Greenpeace selon laquelle « la planète est dans le trouble si c’est ce que Justin Trudeau voulait dire quand il a mentionné que le Canada est de retour dans la lutte contre les changements climatiques ». En effet, après la campagne électorale libérale suivie par la signature de l’accord de Paris par le Canada, il n’est que plus surprenant de constater à quel point notre Justin national balaie du revers de la main ces enjeux, aussi impérieux soient-ils.


Il s’avère ainsi que le développement pétrolier et gazier (je refuse délibérément ici de parler de développement économique puisque les énergies vertes ne semblent manifestement pas être des options d’investissement viables pour le gouvernement Trudeau), selon le cabinet libéral au pouvoir, doit primer sur la conservation de notre planète. À cet égard, il faut notamment penser à certains projets ayant reçu l’aval du palier fédéral de l’État tels que l’agrandissement de l’oléoduc Trans Mountain de Kinder Morgan, le projet d’exploitation et commercialisation de gaz naturel liquéfié Pacific Northwest LNG (le projet le plus polluant de l’histoire du Canada selon Greenpeace, rien de moins) et le très notoire pipeline Keystone XL lequel s’est vu renaître de ses cendres après l’élection du Donald au sud de la frontière.


Nous omettrons tout de même d’imputer certaines autres bévues au gouvernement Trudeau, ce dernier s’étant rétracté dans le cas de l’oléoduc Northern Gateway (celui-ci étant originalement supposé passer par des territoires autochtones protégés, les premières Nations en question n’ayant jamais été consultées préalablement à la mise en marche du projet) et dans le cas du pipeline Énergie Est, celui-ci n’ayant toujours pas reçu d’approbation de l’Office National de l’Énergie (ONÉ).


Le plus (tristement) comique dans ce bilan huileux et peu reluisant, c’est qu’en somme, le cabinet libéral semble avoir adopté la position conservatrice du développement économique à tout prix, même au détriment de la protection de l’environnement, alors qu’il s’agit d’une position vertement critiquée par Trudeau fils lui-même durant sa campagne électorale de 2015.


De surcroît, il s’agit maintenant de voir à quel point le parti que nous avons majoritairement élu s’est acquitté de sa promesse de transparence et d’intégrité. Il est possible de relever quelques entorses notables à ce devoir moral que le parti libéral s’était fixé. Effectivement, il appert tout d’abord de relater les histoires douteuses de financement privé de cette formation politique pour lequel la méthode de prédilection constitue en d’importants dons généreusement offerts par des millionnaires asiatiques au cours de soupers en compagnie de Justin lui-même. Il y a évidemment ici un paradoxe important en matière d’intégrité et de transparence considérant que l’opinion du parti qu’il pilote, relatée par le ministre François-Philippe Champagne, est à l’effet qu’il demeure impératif de resserrer les règles en matière de financement des partis politiques. En effet, il semble ici y avoir anguille sous roche.


Vous en aurez déjà probablement entendu parler, cette autre étourderie du parti au pouvoir en matière de transparence a fait couler beaucoup d’encre, soit les escapades de membres du parti libéral, dont Justin Trudeau ainsi que leurs familles sur l’île privée de l’Aga Khan. Hormis l’utilisation controversée de fonds publics pour financer son voyage vers les Bahamas, le véritable manquement en l’espèce relève de la contravention à l’article 11(1) de la Loi sur les conflits d’intérêts interdisant « à tout titulaire de charge publique et à tout membre de sa famille d’accepter un cadeau ou autre avantage […] qui pourrait raisonnablement donner à penser qu’il a été donné pour influencer le titulaire dans l’exercice de ses fonctions officielles. » Dans ce cas-ci, il existe une exception à la règle si le cadeau/avantage provient d’un parent ou ami. Il semble toutefois très difficile de croire que l’Aga Khan était un ami de chacun des politiciens libéraux invités sur son île privée (Justin Trudeau, Seamus O’Regan et Anna Gainey) ainsi que de l’ensemble des membres de leurs familles préalablement à ces invitations. Disons simplement qu’en ces circonstances, il est aisé de percevoir le potentiel conflit d’intérêts en l’espèce considérant le cadeau offert à ces politiciens libéraux qui auraient dû le refuser, d’où le manque flagrant de transparence.


Dans une autre optique, notre premier ministre avait également promis d’offrir l’asile à 25 000 réfugiés syriens tentant de fuir le conflit ravageant (encore aujourd’hui) leur pays natal. À cet égard, le respect de cet engagement, étant à tout le moins considérable, commande la reconnaissance de l’effort déployé par l’administration étatique. Une (autre) tare gâche néanmoins le bilan libéral dans ce dossier également, soit les conditions de vie offertes à ces réfugiés. Effectivement, tel que rapporté par le Carrefour des ressources en interculturel (CRIC), plusieurs parrains privés de familles syriennes n’ont d’autre choix que de négliger leurs ouailles « même pour les besoins les plus élémentaires » tellement l’ampleur de la tâche est imposante.


Dans ce dossier, le gouvernement Trudeau est à blâmer puisque ce dernier a indéniablement eu l’outrecuidance d’amasser du capital politique sur le dos de ces réfugiés accueillis au Canada ayant, pour certains d’entre eux, vécu des traumatismes innommables sans pour autant pourvoir à l’édification d’infrastructures ou de programmes assez financés permettant de leur assurer des conditions de vie minimalement décentes.


Finalement, la dernière bavure digne de mention du parti libéral relève du bris de sa promesse de réforme du système électoral. Plus précisément, cette formation célèbre entre autres pour son implication dans le scandale des commandites désirait modifier le mode de scrutin du système canadien actuel, soit le scrutin uninominal à un tour. Ce dernier était d’ailleurs considéré comme vétuste et archaïque par la quasi-unanimité des acteurs du milieu dont le comité spécial de la Chambre des communes sur la réforme démocratique lequel s’est indubitablement longuement penché sur la question afin de bien l’étudier.


Nonobstant cet apparent consensus de la communauté politique quant à l’obsolescence de notre actuel système, le cabinet libéral est non seulement venu affirmer qu’il ne donnerait pas suite à cette promesse sur la base de laquelle il s’est fait élire, faut-il le rappeler, mais qu’il n’y avait également aucun consensus quant à la nécessité de réformer le système en question. Voilà qui constitue tout simplement un mensonge éhonté (peut-être Trudeau tire-t-il des leçons des performances de nos voisins du sud, dont Kellyanne Conway, Sean Spicer et Donald Trump)! En outre, il est donc d’autant plus manifeste que pour Justin Trudeau, « la politique autrement semble plus utile pour se faire élire que pour gouverner » tel que pertinemment énoncée par la politologue Emmanuelle Latraverse.


Une telle attitude relativement à ces enjeux susmentionnés témoigne non seulement d’un mépris total envers l’électorat canadien, mais également d’une déconsidération de la valeur des institutions démocratiques. Somme toute, Justin Trudeau et le Parti libéral ont abreuvé de chimères un électorat canadien avide de changement après 10 ans de règne conservateur. Cependant, le voici l’essentiel du problème, les doux sourires de l’actuel premier ministre canadien et sa prétendue proximité avec l’électorat ne semblent être que de faux-semblants s’inscrivant dans une démarche de séduction bien rodée.


De plus, derrière ce simulacre de considération des enjeux cruciaux aux yeux de l’électorat, le parti libéral au pouvoir applique par la porte arrière et en catimini des politiques habituellement imputables aux programmes conservateurs (tel qu’évoqué ci-dessus), lesquelles ont justement contribué à causer l’ire des Canadiens à leur endroit lors des dernières élections fédérales. Une telle démarche semble d’ailleurs plaire à sa face même à un électorat plus progressiste tandis que les machinations faites par en arrière tendent à favoriser un électorat droitiste plus conservateur, probablement dans le dessein d’en séduire quelques membres au passage.


En définitive, il reste encore quelques années au mandat du parti libéral majoritaire à la Chambre des communes. Ce faisant, il faut souhaiter que Justin et sa bande s’acquittent de leurs devoirs avec davantage de transparence et d’attention accordée aux enjeux importants pour la société canadienne. Ainsi, il sera possible de faire la paix avec un tel gouvernement « when the power of love overcomes the love of power » – Jimi Hendrix – dans le cas d’un Parti libéral et d’un Justin Trudeau se devant d’être plus intègres dans le cadre de leurs fonctions.

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