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Ghiles Helli

Un roman français



À gauche, ça a commencé comme ça.


Aujourd’hui est un jour sombre. François Hollande, Flamby de son nom, apparaît abattu, pathétique, à la limite de la dépression. Ressemblant plus à un suicidaire sur le rebord d’un immeuble qu’à un président en exercice, il s’approche du micro et, avec ce ton enthousiaste monotone qui a caractérisé son quinquennat, il égrène au bout de l’ennui les mots fatidiques : « Je ne me présenterai pas... ».


Primaire de la gauche

Sortez vos couteaux, préparez vos coups bas, la guerre des gauches, va commencer. Dans le coin droit du ring, je vous présente Manuel Valls, premier ministre de Flamby. S’étant déclaré prêt à y aller si d’aventure le président renonçait, il incarne l’aile sociodémocrate du Parti socialiste (PS). Il prône une social-démocratie à l’allemande avec une diminution des dépenses publiques. Il fut l’artisan, avec Macron, le futur traître, de la controversée réforme du code du Travail, la Loi El Khomri. Constatant les dissensions au sein même de sa majorité à l’assemblée, Manu utilise le 49.3; un « bâillon » made in France, pour faire passer cette loi en force. Il déclenche une Fronde. Des députés PS se sont opposés ouvertement et vertement à Manu. Veuillez vous lever, retrier chapeaux et casquettes, pour accueillir dans le coin gauche du ring, leur leader, le Che Guevara Français, le pugiliste poids plume, Benoit Hamon. Il propose un « revenu universel » indépendant de toute condition sociale; un revenu parce qu’on existe et non pour exister. Pourquoi? Il prédit la raréfaction du travail et son remplacement par les machines. Solution : détacher le salaire de l’emploi et l’attacher à la personne.


Les commentateurs prédisent l’implosion du PS écartelé par ces deux visions sur l’avenir de la gauche. Alors qu’il incarnait une figure d’autorité dans la crise sociale qui traverse la France, Manu essaie de moduler son image pour devenir plus consensuel. Il pousse le délire jusqu’à proposer d’interdire le 49.3 qu’il a tant affectionné en tant que premier ministre. Pas de chance, il se fait enfariner en pleine rue. Lors des débats, il arbore un sourire forcé. La campagne va de catastrophe en catastrophe. Arrivera-t-il à changer son image de Napoléon-Stalinien et abattre Ben?


Faut croire que non. Manu Ciao, Hamon par K.O. au deuxième round. Il hérite cependant d’un PS éclaté. Ceux qui ont voté pour Valls se sentent plus proches idéologiquement de Macron, pendant que lui doit diviser son électorat avec Jean-Luc Mélenchon de qui rien ne les sépare fondamentalement.


Mélenchon, ancien membre du PS, essaye de rassembler la gauche radicale. Ayant voté oui pour le traité de Maastricht puis faisant volte-face, il appelle à voter non à la constitution européenne en 2005. Le Non gagne, mais Sarko en 2007, s’est chargé de réhabiliter cette constitution avec le traité de Lisbonne, une reprise à peine modifiée du texte constitutionnel européen. Désormais, le charismatique Jean-Luc, féru d’histoire et de politique, citant les grands penseurs français, se scandalise. Comment un technocrate à Bruxelles peut-il imposer à la France, la glorieuse, un déficit budgétaire à 3 % l’empêchant ainsi d’emprunter pour investir et relancer son économie? Constat : Il y a une disparition du pouvoir politique, une absence de souveraineté. L’Europe est allemande. Il propose, entre autres, d’instaurer la 6e République en faisant élire une assemblée constituante. Dans son dernier meeting à Lyon, diffusé par hologramme à Paris, il a réussi à réunir près de 18 000 personnes. Il en a profité d’ailleurs pour taper sur tout le monde… Fillon; le corrompu, Marine; l’ennemie jurée, Macron; qui n’est pas de gauche. Enfin tous… tous à part Hamon.


Macron… Macron… Macron. Tout le monde n’a que ce nom à la bouche. À la grandeur du spectre politique, tous cognent dessus, ils désignent le boss. Arrivé de nulle part il y’a 4 ans, tour à tour conseiller de Hollande, ministre des Finances puis traître de celui qu’il a mis au monde, il bouscule et dérange. Les bénévoles qu’il a engagés adoptent des techniques de marketing importés du secteur privé, une méthode de discussion dirigée à la manière d’une rencontre professionnelle et des arguments ressemblant plus à ceux développés par un cabinet de conseil en management stratégique qu’à une rhétorique politique. L’Europe, c’est bien.


La mondialisation, c’est l’avenir. « En marche! » France… Vers l’avant, le futur; demain… quelque part. Car la place où il veut mener l’hexagone n’est pas sur le radar classique français. Ces discours sont ambigus. Mais pour faire simple, il veut une démocratie libérale à l’anglo-saxonne. Il est en cela, très proche de la philosophie politique de Jacques Attali. En résumé c ‘est « produire pour être compétitif », « devenir maître des hautes technologies », « le travail a de l’avenir », « enlever la peur des “frontières ouvertes“ »… Bref un pas à gauche, un autre à droite. Zemmour, en consensus avec Aquilino Morelle, l‘ex-conseiller politique de Hollande, auteur du livre Abdication où il vilipende le président pour son virage socio-démocrate, explique que la mondialisation, telle qu’elle s’effectue actuellement, est une invention des élites socialistes françaises. À l’époque, les Américains voulaient une mondialisation par ententes bilatérales. Les Français ont poussé l’idée de la création d’espaces de libre-échange avec des accords multilatéraux; type TAFTA. Exhumant d’anciens documents écrits de Hollande lui-même, Morelle, le rédacteur du discours du Bourget sur le contrôle de la finance mondiale pour le compte du futur président, découvre, à sa grande stupéfaction, que Flamby avait toujours conçu la gauche de cette manière; libérale et mondialiste. Ils en concluent que Macron est le fils spirituel de Hollande et donc, que les partisans de Valls, quoiqu’encore au PS officiellement, sont beaucoup plus proches de lui que de Hamon. Les désertions des rangs de la Grande Alliance Populaire voulue par ce dernier ne sont qu’une question de temps. Sur le programme, on ne sait rien de précis et pour cause, le programme; c’est lui. Pour faire passer l’idée, il faut le moins en dire, le plus longtemps possible.


À droite, on s’éclate aussi

Marine Le Pen a réussi à se débarrasser de l’image antisémite et raciste de son père. La nouvelle cible c’est les « migrants », plus les Arabes. L’influence de Florient Fillipot, son conseiller le plus proche, se fait sentir dans chaque phrase qu’elle prononce. Marion-Maréchal Le Pen, la nièce, incarne le courant historique du Père. Mais fraternité oblige, elle soutient. En suivant la ligne Fillipot, la candidate se veut la représentante des classes ouvrières déçues par l’Europe, et surtout, de ceux qui veulent le retour de « Nation » et du politique contre les technocrates bruxellois. Elle chasse sur les terres de Mélenchon. Souverainiste assumée, elle compte demander une sortie de l’euro, de l’Europe, confirmée par référendum. Elle est allée jusqu’à voir dans l’élection de Trump et le Brexit un « réveil des nations ». Des voix de vents contraires se lèvent pourtant à droite. On l’accuse elle de se tromper de combat. Le vrai combat, c’est l’identité, pas la souveraineté. « Une France arabe pourrait être souveraine, mais ne serait plus française. » Zemmour. Elle caracole en tête des sondages, mais toute la classe politique, les instituts de sondages, les commentateurs de la vie publique, les animateurs de variété ou les représentants de toute espèce d’association qui se prononce sur les élections prédisent… une défaite au deuxième tour, et ce, peu importe l’adversaire. On nous a déjà fait le coup pour Trump et le Brexit. Marine a pris soin de se distancer d’Alain Soral et Dieudonné ainsi que de tout représentant d’extrême droite qui ait eu ou aurait pu avoir des propos haineux envers les juifs ou les musulmans. De toute manière, leur vote est acquis. La blonde aryenne, véritable descendante des Gaulois, assène des coups à chaque émission, fustige ses adversaires à chaque débat. Elle se venge de cette classe politique qui jadis excluait son parti et son père de la vie publique. Maintenant que la population pense qu’elle est corrompue, cette exclusion devient un avantage. Elle le sait. Elle se vante de ne pas en faire partie. Avec une répartie aiguisée au fil des ans, elle excite l’auditoire, promet des lendemains semblables à hier et à tous, une vie bleu-blanc-rouge passée dans l’abnégation au service de la nation.


Les Républicains

Au début de la primaire, personne ne savait qui allait gagné, mais tous s’entendaient sur le perdant : Fillon. Sarkosistes, juppéistes se livraient une guerre de clans en règle. Sarko, le bon petit vieux Sarko, est revenu pour hanter les éléphants de son ancien parti. Jean-François Copé, ancien ami, compromis dans l’affaire Bygmalion sur le financement de la compagne perdue de 2012, devenu délateur, se présente lui aussi, mais personne n’aime sa gueule de salop. Sarko est empêtré dans plusieurs affaires liées à Bygmallion mais aussi… des financements libyens, du trafic d’influence, de tentative d’échapper à une enquête judiciaire en changeant son nom… et les autres ne se sont pas gênés pour le lui rappeler. Juppé, après avoir purgé sa pénitence, est le favori des sondages. Se croyant Roi avant le sacre, il oublie de faire compagne. Tout est flou, de la stratégie au programme. Bref, Coppé, Juppé, et Sarko sont tous mis-en-examen ou en voie de l’être. Qui reste-t-il? Mr No-Name; l’ancien premier ministre fantomatique sous Sarkozy, François Fillon. Personne ne l’a vu venir celui-là. Il rédige son programme et l’égrène pendant que les autres débattent de qui s’est servi le plus dans les poches du contribuable. Il prend soin d’apparaître comme le seul intègre, le seul qui n’ait jamais eu rien à se reprocher. Assez conservateur, il veut une réduction des déficits, une diminution de la dette, une réduction substantielle du nombre de fonctionnaires et un allègement du fardeau fiscal pour les entreprises… en terme clair… les Français vont devoir se serrer la ceinture. À l’Europe, il; déclare son amour. Héritier de la « manif pour tous », il ne compte toutefois pas revenir sur le mariage homosexuel… parce que trop tard. Il donne l’image d’un homme de famille, catholique de religion, avec une épouse discrète, Pénélope, qu’il paraît aimer sincèrement. Beaucoup le voit comme l’anti-Mai 68, cette révolution étudiante pour une libéralisation sociale qui, selon les commentaires actuels, est l’origine de tous les maux. La France y a perdu ces valeurs, son identité… et plus tard… par des ramifications d’amalgames, son territoire et ses frontières. Fillon, c’est l’héritier du général de Gaulle, du président guide de la nation, de la république et des pouvoirs régaliens… l’Anti-Mai 68.


Soudain, le Canard enchaîné révèle que Pénélope, celle qui était supposée attendre Ulysse à la maison, pendant qu’il guerroyait sur les mers houleuses des déficits budgétaires et contre les tentations des sirènes de la France-Afrique; avec leurs valises pleines de cash, était l’attaché parlementaire de son Fulysse. Problème, personne ne semble l’avoir vu à l’assemblée pendant ces 5 ans. Cette révélation accidentelle d’une collaboratrice de Fillon lui-même va déclencher une vague dont personne ne sait à ce jour ce qu’elle va détruire. Elle aurait touché près de 900 000 euros pour un travail qu’elle n’aurait jamais fait. De plus, elle aurait écrit deux notes pour un journal, la Revue des deux mondes, pour un contrat de 100 000 $. Victor Hugo s’est réincarné, et ça fait cher la lettre. Il aurait même employé deux de ses enfants comme avocats alors qu’ils ne l’étaient pas encore. Le tarif, près de 84 000 euros.


Chez les Républicains, c’est la panique. Certains veulent qu’il se désiste. Problème, rien dans les statuts du parti ne prévoit la procédure à suivre dans ce genre de cas. Normal pour un parti dont la quasi-majorité des leaders politiques ont des problèmes avec la justice. Fillon, quant à lui, promet de démissionner s’il est mis en examen. Même sans accusation officielle, pour le candidat de la rigueur et de la probité, ça fait mal, très mal. La même personne qui veut supprimer l’assurance sociale emploie sa femme pour un travail inexistant. Les appels à la prise de responsabilité se multiplient, des noms commencent à circuler… Juppé, Sarko, Barouin… etc. Juppé, lui, « ne serai[t] pas une solution de rechange ».


Lundi le 6 février, Fillon monte sur scène et… s’excuse : « Je n’abandonnerai pas… J’ai commis une erreur ». Il dégringole dans les sondages, ces soutiens s’effilochent, sa cote de popularité s’effondre comme neige au soleil et même, en voyant le péril qu’est le Front national s’approcher à grands pas… il ne démissionne pas. Tellement accroché à cette place qu’il a tant convoitée, tant désirée. Cette place que tout le monde lui a refusée. Il n’avait pas la carrure qu’ils disaient. Il les a tous attendus au tournant des années durant. Tous ces poids lourds pétaradants, grandiloquents et mégalomaniaques du RPR, de l’UMP… Chiraquiens ou Balladuriens… toutes ces bêtes de pouvoirs capables de trahir leurs meilleurs amis pour un poste ministériel… tous ces pachydermes qui l’ont écrasé durant des années, il allait enfin pouvoir s’en venger. Il se voyait changer les moquettes de l’Élysée et le voilà sommé, jusque dans ces propres rangs, de démissionner. Quelle déchéance!

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