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François Sylvestre

La diplomatie du panda



C’est à tort qu’on analyse ainsi la diplomatie de l’Empire du Milieu. On associe faussement les tentatives de séduction de la puissance chinoise à cet animal, qu’elle transporte à travers les zoos du monde entier en permettant, selon ses défenseurs, de propager le désormais « rêve chinois ». Mais c’est bien méconnaître la réalité, car c’est plutôt une véritable campagne en règle pour s’imposer dans toutes les sphères de la géopolitique internationale que Pékin exerce, en commençant par une intensification de son rôle au niveau militaire, en passant par la course à l’espace jusqu’à l’affirmation tous azimuts d’un contrepoids à la toute-puissante domination américaine. Cette aspiration, révolution à la fois économique, politique et culturelle, peut remonter jusqu’au règne de Deng Xiaoping qui amorça son programme des « Quatre modernisations » pendant les années 1980 avec comme but de faire entrer la Chine populaire (communiste) dans l’économie de marché. Partant, la Chine allait devenir une puissance mondiale sur le terrain de ses futurs rivaux (États-Unis en tête) : le capitalisme.


Sur le plan strictement militaire, il est indéniable que Pékin tente depuis plusieurs années une importante percée. En Afrique, ce n’est donc plus l’Occident qui en majorité s’impose désormais aux pays africains, mais bien l’armée chinoise et son gouvernement qui y dénote un grand intérêt. Toujours en quête de ressources, la Chine se voit ainsi privilégiée par un accès direct avec ce continent qui en compte beaucoup. De plus, un des avantages que les pays africains lui ont trouvé face à Washington, Paris ou Londres est, qu’au contraire de ces démocraties occidentales, Pékin ne jugeait pas, du moins officiellement, la situation politique parfois catastrophique des pays qu’elle voulait aider. Étant elle-même un régime autoritaire, elle ne se souciait guère de la garantie d’amélioration des droits humains. Cette relation gagnant-gagnant, qui est désormais une réalité, a été de plus complètement sous-estimée par Washington, et ses alliés, empêtrée dans sa gestion de ses problèmes au Moyen-Orient, pour ne nommer que cette région du monde. Il faut bien dire qu’au crédit de Pékin, ses opérations militaires sont faites sous le drapeau des Casques bleues des Nations Unies (1), opérations qui en font le premier pays contributeur en termes d’humains du continent. Plus globalement, entre 2000 et 2015, la Chine a augmenté son budget militaire de 396 % pour se fixer à 215 G$, ce qui la place en 2e position devant les États-Unis, encore pourtant bons premiers (596 G$) (2). Il est donc clair que l’affirmation du rôle de superpuissance que la Chine espère passera indéniablement par ce secteur névralgique des relations internationales.


Devant cette augmentation fulgurante, des pays comme la Corée du Sud, le Japon, le Vietnam et Taiwan ont mis en lumière cet important changement de ton et ont mentionné leurs inquiétudes, craignant une hausse des tensions avec leur voisin qui aspire à être la première puissance mondiale. Voyant cette levée de boucliers, Pékin a tenté de calmer le jeu, car elle sait très bien que sans une situation géographique immédiate stable et durable, ses ambitions géopolitiques risquent d’être réduites à n’être simplement qu’une grande puissance régionale.


On dénote ainsi une toute nouvelle tentative d'harmoniser et d'approfondir ses relations avec ses deux riches et grands voisins que sont le Japon et la Corée du Sud (au détriment de son alliance avec la Corée du Nord qui semble de plus en plus exacerber Pékin, comme le montre la tendance de plus en plus fréquente de la Chine à voter en faveur de sanctions à l’égard du régime de Pyongyang au Conseil de sécurité de l’ONU (3)). En effet, depuis 2015, une accélération de la coopération diplomatique entre les différents gouvernements d’Extrême-Orient est à l’œuvre. Des rencontres tripartites entre les ministres des affaires étrangères des trois pays se tiennent presque régulièrement, donnant une vision ou une image d’apaisement et de coopération [4]. Cependant, harmoniser – voir acquérir – la sympathie de Séoul et de Tokyo risque d’être une tâche fort difficile pour Pékin. D’une part, de nombreux contentieux continuent à hanter les trois pays : le litige des îles Senkaku, revendiquées par la Chine au Japon en mer de Chine, le malaise sud-coréen vis-à-vis du soutien de la Chine au régime nord-coréen, sans oublier les rivalités tripartites qui gangrènent les trois pays depuis des centaines d’années (tensions qui ont atteint leur paroxysme pendant la Seconde Guerre mondiale suite au massacre de Nankin par l’armée nippone, par exemple). D’autre part, et fait non négligeable, la Corée du Sud et le Japon, deux démocraties ayant en grande majorité une population dont le niveau de vie est semblable à la moyenne occidentale, sont des alliés de Washington au niveau militaire ou encore de précieux partenaires économiques.


Citons aussi le rapprochement avec la Russie de Vladimir Poutine. Augmentant sans cesse leurs échanges économiques et surtout énergétiques, on parle même de relier Moscou et Pékin par une nouveau TGV long de plus de 7000 km (5), soit une véritable seconde route de la soie! Selon de nombreux experts remarquant depuis quelques temps déjà une stagnation du rôle de l’Europe, autrefois toute puissante (au début du siècle dernier), et en corolaire de son allier américain, une coopération russo-chinoise déplacerait en effet un peu plus chaque jour l’épicentre de la diplomatie et de la politique étrangère mondiale, quelque part entre la Maison Blanche, le Congrès et le siège des Nations-Unis à New-York. Cette alliance, quoique pas toujours effective, se remarque beaucoup depuis quelques temps face au conflit syrien et ukrainien : la Chine se range presque systématiquement aux côtés de Moscou, et vote ainsi du même côté que la Russie au Conseil de sécurité au grand dam de Washington, Londres et Paris.


Finalement, depuis l’arrivée de Trump à la Maison Blanche, nombreux sont ceux qui pensent que la Chine ressort gagnante, car elle pourrait bien en profiter pour prendre la balle au bond sur deux domaines importants, soit le libre-échange et l’environnement. Au dernier forum économique de Davos, en Suisse, véritable événement incontournable de l’économie mondiale, c’est ainsi que le président chinois Xi Jinping s’est positionné en homme fort du libre-échange face aux mouvements populismes de l’heure, visant au premier rang le président Trump (son discours fut ainsi qualifié d’historique par Libération (6)). Au niveau environnemental, ayant bien compris l’importance de la gravité des changements climatiques (une simple recherche Google des mots « smog » et « Pékin » peuvent vous le faire comprendre), le gouvernement chinois a ainsi déployé des efforts sans précédent pour se tourner vers une économie plus verte (7), voulant devenir un leader en la matière et, surtout, prendre une longueur d’avance déterminante face à l’Occident qui peine à imposer un changement de cap. Pékin espérant y trouver, peut-être, sa planche de salut.


L’échec et mat n’est cependant pas pour demain. Simple pointe de l’iceberg, pourtant, la Chine est ainsi devenue, en 2015, la première puissance économique mondiale en détrônant l’oncle Sam, qui détenait cette position symbolique depuis plus de 100 ans (8).


(1) http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/07/06/nous-sommes-a-un-carrefour-des-relations-chine-afrique_4672261_3212.html

(2) http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/782687/evolution-depenses-militaires-monde-carte

(3) http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2017/02/18/97002-20170218FILWWW00072-la-chine-sanctionne-la-coree-du-nord.php

(4) http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20150321-rencontre-diplomatique-exceptionnelle-chine-japon-coree-sud

(5) http://www.rfi.fr/hebdo/20141107-chine-russie-tgv-transsiberien-relier-moscou-pekin-desert-gobi-train-grande-vitesse-investissements-emplois

(6) http://www.liberation.fr/planete/2017/01/18/a-davos-le-president-chinois-en-apotre-du-libre-echange_1542357

(7) http://fr.euronews.com/2016/11/16/la-chine-a-la-tete-de-la-lutte-contre-le-rechauffement-climatique

(8) Selon les chiffres du Fond monétaire international disponible sur le site web de l’organisme.


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