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Éric Bérard-Forget et Mathieu DaPonte

Un tiers-monde intérieur



Le mot « autochtone » regroupe les Premières Nations, les Inuits et les Métis.


L'histoire de Jordan River Anderson : né en 1999 avec des besoins médicaux complexes qui ne pouvaient pas être traités sur la réserve, il a passé plus de deux ans dans un hôpital de Winnipeg. (1) Quand le jeune Jordan a eu deux ans, ses médecins ont affirmé qu'il pourrait aller vivre dans une famille de la réserve. Toutefois, les bureaucrates ont gâché le reste de la courte vie de Jordan parce qu'ils ne pouvaient pas s'entendre sur qui paierait ses soins à domicile. (2) Jordan a passé plus de deux ans inutilement à l'hôpital avant sa mort tragique à l'âge de cinq ans. Il n'a jamais pu passer la moindre journée auprès de sa famille. L’origine d’un enfant ne devrait pas avoir d’influence sur les soins qu’il reçoit. Dans cette doucereuse histoire, un enfant, de par son origine, n’a pas reçu les soins qu’il méritait et il est grand temps que cela change!


Devant le scandale provoqué par cette erreur humaine aisément évitable, Jordan légua son nom à un principe devenu loi en 2007, stipulant désormais qu’en présence d’un conflit entre paliers gouvernementaux mettant en jeu la santé d’un enfant autochtone, les montants affectés à celle-ci doivent être déboursés immédiatement par le premier ministère contacté et que les éventuels litiges financiers soient remis à plus tard. Une conclusion dont l’évidence est si marquée que d’aucuns se demandaient pourquoi une telle matière fut encore à discussion pas plus tard qu’en 2007…


La réponse se retrouve sans doute dans le sinistre constat que de nombreux siècles après le premier contact, les autochtones forment toujours une classe marginalisée de la société canadienne. Pour ne citer que quelques statistiques accablantes, notons que le taux de mortalité des nourrissons inuits était de deux à quatre fois plus élevé que le taux de mortalité moyen dans la totalité du Canada, ou que les enfants autochtones sont grandement surreprésentés dans les formes d’interventions à l’enfance les plus extrêmes, car près de 10,23 % des enfants autochtones maltraités tombent dans cette catégorie, contre 0,67 % pour les autres enfants canadiens. (3)


De nouveaux détails venant noircir une page déjà noire

À juxtaposer au drame des pensionnats autochtones, récemment qualifiés d’entreprise de génocide culturel selon la juge-en-chef de la Cour Suprême du Canada, la très honorable Beverley McLachlin, une enquête de la CBC menée cet automne a permis de renchérir de sordides détails la page de notre histoire connue sous le nom de « La rafle des années 60 ». Arrachés de leurs terres ancestrales et de leurs familles, des milliers d’enfants autochtones ont ensuite été catalogués et transplantés auprès de familles blanches, jugées mieux à même d’assurer leur croissance. L’objectif des autorités d’antan n’appert pas comme ayant été exclusivement basé sur des considérations assimilatrices, puisque de nombreux enfants ont été vendus à l’étranger pour de lucratifs montants. Enfin bref, il semble que nous ne soyons pas au bout de nos misères dans la découverte des horreurs perpétrées par les administrations passées, et qu’un devoir de mémoire et de prise de parole vis-à-vis de ces tragédies s’impose si l’on veut un jour faire la paix avec cette réalité et suturer le tissu social canadien. (4)


Cruellement, le bien-être des enfants autochtones ne parait pas s’être tant amélioré depuis les années maudites des pensionnats. À présent, le nombre d’enfants autochtones confiés aux bons soins des services gouvernementaux équivaut grossièrement au triple du plus grand nombre de pensionnaires forcés de fréquenter lesdits établissements du siècle dernier. En effet, les enfants des Premières nations vivent fréquemment (c’est-à-dire 3 à 5 % des enfants) dans des foyers d’accueil. Les principales raisons sont la négligence perçue, un logement inadéquat, une consommation abusive d’alcool ou de drogues par le tuteur. Quant à la négligence perçue, plus que du vouloir même des parents, il s’agit là d’une situation provoquée par l’état de pauvreté duquel ces familles peinent souvent à s’extirper. (3)


Si le développement du Canada s’est largement fait au gré de l’acquisition des territoires autochtones, celui-ci a poursuivi sa destinée aux dépens de celles des Premières Nations, qui y ont perdu leurs terres ancestrales, une part inestimable de leur culture, leur capacité de s’autogouverner et d’autodétermination. Malgré tout, ces peuples ont survécu à la perte de leurs traditions, de leur culture, de leur spiritualité, de leurs modes de vie. À quel prix? Aujourd’hui des familles brisées et sans ressources occupent les réserves que le colonisateur a créées. Ces résidus des vastes possessions de naguère sont de vrais incubateurs à des maux de toutes sortes, dont un grand nombre est souvent d’ordre politique. S’il est grand temps que la classe dirigeante agisse pour résoudre ces problématiques, des progrès notables ont pu s’observer depuis l’élection de 2015. Le gouvernement fédéral a notamment débloqué en juillet près de 382 millions de dollars sur trois ans pour satisfaire aux exigences du principe de Jordan. Ceci dit, seule une infime fraction de cette somme, totalisant 11,5 millions de dollars, se serait rendue à destination et aurait redressé la santé d’enfants autochtones jusqu’à présent. (5) Derrière cette sous-utilisation de fonds publics pourtant disponibles, on retrouve les sempiternels maux des communautés autochtones : si les traitements médicaux sont couverts, il en va tout autrement de la plupart des frais de voyage, qui eux, ne sont pas remboursés par le programme des SSNA, les services de santé non assurés, soit l’organisme responsable de la couverture médicale extensive des Premières nations. Ces communautés étant fort souvent isolées, ce refus fréquent de rembourser le transport des enfants vers des soins spécialisés est une considération pesant lourdement sur les économies précaires des collectivités des Premières Nations. En réalité, ce déni de voyage est un déni de service.


Par son histoire, le Canada est tributaire d’une dette importante envers les Premières Nations, dont il ne se départira qu’en leur fournissant les leviers nécessaires pour leur propre développement. Pour l’heure, il est urgent de ne pas ménager les ressources pour sauvegarder la jeunesse autochtone des erreurs douloureuses commises par le passé. Ce ne sera qu’à ce prix que les collectivités autochtones pourront véritablement contempler l’avenir avec optimisme.


Le comité UNICEF de l’UdeM en collaboration avec le comité Droit autochtone se penche en ce moment même sur la question des conditions de vie de la jeunesse des Premières Nations avec une conférence portant sur ce thème précis le 6 avril prochain.


Conférencière : Hélène Sioui Trudel Date : 6 avril 11 h 30 - 3200, Jean-Brillant


Me Hélène (Sioui) Trudel a reçu les honneurs suivants :

• Chevalière de l’Ordre national du Québec, 2016

• Prix Bâtisseuse d’Hochelaga-Maisonneuve, 2016

• Prix de la Justice du Québec, 2013

  1. = Selon le First Nations Child & Family Caring Society of Canada, Août 2014.

  2. = Selon le Paediatrics & Child Health, nov. 2005, CMAJ, aout 2007.

  3. = Selon le centre de collaboration nationale de la santé autochtone, 2010.

  4. = Selon ICI Radio-Canada Alberta, 28 septembre 2016.

  5. = Selon Sarah Giles, Lindsay Hancock, Lisa Letkemann, CBC News, 3 mars 2017.


Le déclin de la population autochtone :




Les causes du déclin de la population autochtone seraient : les nouvelles maladies, les guerres, le peuplement européen, le faible taux de natalité suite aux guerres, la famine, etc.



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