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Sofia Panaccio

Voir plus loin que le bout de son nez


Une fatigue politique généralisée se fait ressentir chez plusieurs électeurs, les chefs de partis compris, à quelques jours de la fin des élections québécoises.


Cette campagne électorale a-t-elle paru plus longue que les autres en raison de la détermination d’une date fixe ? Aucune idée, ceci n’est pas une prise de position éditoriale sur les élections. À l’heure actuelle, plusieurs d’entre nous ont même déjà voté par anticipation et les dés semblent déjà jetés. Alors pourquoi ne pas se pencher sur ce qui se trame de l’autre côté de la frontière. Car, chose certaine, nos voisins américains semblent vivre eux aussi leur lot de scandales bouleversants. Au centre de ceux-ci se trouve l’affaire Kavanaugh.


La justice américaine entre les mains d’un agresseur ?


Le 9 juillet dernier, la candidature de Brett Michael Kavanaugh, juge fédéral américain reconnu pour ses opinions particulièrement conservatrices, est proposée par Donald Trump dans le but de combler le siège vacant laissé par Anthony Kennedy à la Cour suprême des États-Unis. Or, ce plan initial est bouleversé le 16 septembre par Christine Blasey Ford qui accuse publiquement Kavanaugh d’agression sexuelle pour des évènements s’étant déroulés en 1982, alors qu’elle n’était âgée que de 15 ans et lui de 17.


Avant de rendre publiques ses accusations, Ford a contacté le Washington Post et la femme politique démocrate Anna Eshoo afin d’évaluer ses options. Toutefois, le 16 septembre, après que la rumeur d’accusations contre Kavanaugh a été révélée dans la presse, Ford a décidé de divulguer son identité au public dans le Washington Post. Elle y rapporte que les faits se sont produits lors d’une fête arrosée durant laquelle Kavanaugh et son ami Mark Judge l’auraient plaqué sur un lit et tenté de la déshabiller.


Alors que Kavanaugh nie fermement ces accusations et que le président Trump clame son innocence, Ford persiste pour se faire entendre devant la commission judiciaire du Sénat des États-Unis avant la nomination à vie de son supposé agresseur à la Cour suprême. Ce n’est qu’après que le président de cette commission, Chuck Grassley, ait menacé d’organiser le vote sur la confirmation de Kavanaugh comme juge à la Cour suprême avant d’entendre le témoignage de Ford, qu’il a été convenu que Ford allait être entendue le jeudi 27 octobre, à 10h devant le Sénat. Les sénateurs entendront d’abord son témoignage et ensuite celui de Kavanaugh qui, d’après la Maison-Blanche, est « impatient de témoigner ».


Et Trump dans tout cela ?


Il n’est pas étonnant de constater que le président Trump supporte Kavanaugh et désire que sa nomination à la Cour suprême soit confirmée le plus rapidement possible par le Sénat. «PROCÉDEZ AU VOTE!» a-t-il même écrit sur Twitter. En toute partialité, Trump prétend que le silence de Ford, ayant duré plus de 30 ans, est évocateur. Le président a twitté que « si les attaques avaient été aussi graves que ce que dit le Dr Ford, il y aurait eu une plainte d'elle ou de ses parents aimants ». Malheureusement pour Trump, il est pourtant assez commun chez les victimes d’agression sexuelle de garder le silence durant plusieurs années. Elles ressentent de la honte, de la culpabilité et ont souvent peur d’être stigmatisées.


Alors que l’affaire Kavanaugh est sous les feux de la rampe comme Ford s’apprête à témoigner devant le Sénat, une nouvelle accusation a été révélée dimanche dernier. En effet, Deborah Ramirez accuse le juge Kavanaugh d’inconduite sexuelle pour s’être exhibé devant elle lors d’une fête ayant eu lieu dans les années 80. Kavanaugh a de nouveau tout nié en bloc.



Une impression de déjà-vu?


Brett Kavanaugh n’est certes pas le premier juge nominé à la Cour suprême des États-Unis à être accusé d’infractions de nature sexuelle. Clarence Thomas, actuel juge à la Cour suprême des États-Unis, avait été accusé par Anita Hill d’harcèlement sexuel en 1991 alors que sa candidature à cette instance venait d’être proposée par George H. W. Bush. Comme avec Ford, la commission a proposé à Hill d’être entendue devant le Sénat. Elle a soutenu que le juge Thomas l’avait harcelé sexuellement alors qu’il était son patron et, évidemment, Thomas a nié catégoriquement ces accusations. Après la tenue de cette audience publique, le Sénat a confirmé la candidature de Thomas à titre de juge à la Cour suprême et il y siège encore à ce jour. L’affaire Kavanaugh aura-t-elle un dénouement similaire ?


Le contexte politique actuel rend les choses plus complexes : ces accusations constituent-elles une manœuvre politique démocrate visant à repousser la nomination de Kavanaugh à la Cour suprême après les élections de mi-mandat de Trump ?


Qui sait, en attendant nous lui accorderons probablement le droit à la présomption d’innocence. Toutefois, comme ce fardeau de protection n’est incombé qu’à l’État, ni les journalistes ni le public n’ont d’obligation légale à cet égard. Alors, même si Kavanaugh est nommé à la Cour suprême au même titre que son collège Thomas, il y a de quoi en douter, car être acquitté ne signifie pas être innocent. Et, comme l’histoire a connu beaucoup trop d’hommes blancs riches ayant abusés de leur position de pouvoir par le passé, permettez-moi de croire en la véracité de ces accusations. Dans tous les cas, Christine Blasey Ford et Deborah Ramirez méritent d’être entendues de manière objective par le Sénat avant que Brett Kavanaugh ne soit nommé à la plus haute instance judiciaire des États-Unis.


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