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Sandrine Girard-Bissonette

Kava-non


Le 6 octobre, vous étiez peut-être encore trop occupés à digérer les résultats des élections provinciales ou à commencer à stresser pour les intras pour réaliser qu’un évènement majeur s’était produit au sud de nos frontières. Un vote serré du Sénat américain a confirmé la nomination de Brett Kavanaugh à la Cour Suprême, et ce malgré s’être fait accuser publiquement par trois femmes d’agression sexuelle ou d’acte d’inconduite sexuelle.


Ouch.


Il n’est malheureusement pas rare qu’un homme de pouvoir échappe à la persécution après s’être fait accuser d’agression sexuelle (i.e. Donald Trump, Jian Ghomeshi). Mais qu’en est-il lorsque cet homme deviendra le visage de la justice, cette même justice qui est censée protéger non seulement les citoyens américains, mais aussi les citoyennes américaines?


Même si l’influence d’un juge à la Cour Suprême peut seulement se mesurer après un certain nombre d’années, cette décision impacte déjà la population à un degré comparable à certaines des décisions les plus célèbres dans l’histoire américaine. Permettre à Brett Kavanaugh de siéger envoie un message fort : la justice américaine n’est ni équitable, ni impartiale, et surtout pas égalitaire. Observer ces lacunes quotidiennement dans son application est une chose; il en est un autre de décider consciemment de symboliser la justice par une personne les incarnant.

Le témoignage de Dr Ford, une femme résiliente et crédible, sur l’agression qu’elle a vécue n’a pas produit assez d’effets pour qu’on remette véritablement en question la pertinence de nommer Kavanaugh à la Cour Suprême. Pourtant, lorsque Kavanaugh fit sa déclaration, son comportement était manifestement indigne de celle d’un juge : ses paroles vicieuses et agressives montraient une incapacité d’être rationnel, contrastant presque ironiquement avec les mots pesés de Dr Ford. Au bout du compte, même si tout semblait indiquer que Kavanaugh avait effectivement commis les actions dont il avait été accusées, la parole de l’homme a emporté sur celle de la femme. On dit alors aux victimes d’agression sexuelle qu’elles ne peuvent pas compter sur le système juridique pour les protéger. Que si la personne qui les a agressées est hiérarchiquement supérieure dans la société en tant qu’homme, en tant qu’individu blanc, en ayant une situation socioéconomique favorisée, les victimes pourront difficilement prouver le préjudice qu’elles ont subi. D’ailleurs, non seulement la dénonciation ne portera pas fruit, mais elle risque d'entraîner des répercussions défavorables à la victime.


Je ne dis pas que Brett Kavanaugh est nécessairement coupable; après tout, la bonne foi et l’innocence se présument. Cependant, une enquête du FBI sur une période d’une semaine était loin d’être suffisant, surtout lorsqu'on considère la portée de cette nomination. Il faut se rappeler que Bill Cosby, accusé par des douzaines de femmes d’agression sexuelle dans les 20 dernières années, fut seulement reconnu coupable dans le dernier mois. Compte tenu de l’ampleur du mouvement #metoo, je n’étais probablement pas la seule à être choquée par le résultat du vote du Sénat américain où, d’ailleurs, plusieurs femmes ont voté en faveur de sa nomination. Le Sénat a manqué une belle opportunité pour prononcer son appui au mouvement.


J’essaie malgré tout de rester optimiste. L’évolution d’une société ne suit pas une trajectoire rectiligne. Cette régression à la suite des avancements récents ne signifie pas que la lutte pour une justice équitable stagnera à jamais. Au contraire, je crois que bien que certains se sentent simplement dépassés par la situation, de nombreux Américains sont outrés. Si cette indignation les motive à s’impliquer davantage, à donner leur opinion à leurs sénateurs (ils sont élus aux États-Unis) et surtout à aller voter pour des gens ayant des valeurs correspondant aux leurs, il y aura au moins une bonne chose ressortant de cet évènement terrible. Les élections de mi-mandat se déroulent en novembre, alors espérons que les électeurs s’en souviendront d’ici là.



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