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Claire Duclos

Ibud le lapin et les gâteaux aux carottes


Depuis un certain temps, j'avais envie de vous raconter une petite histoire. Cette histoire me traîne dans la tête depuis à peu près un an, depuis la fin du mois de décembre 2017 pour être exacte. Il s'agit de l'histoire d’Ibud le lapin et de ses gâteaux aux carottes. Voici donc cette histoire :


Il y a très longtemps, dans le Grand Royaume des Lapins, un petit lapin du nom d’Ibud vivait dans un petit terrier au bas de la colline. Ibud était un vieux lapin un peu malade. Depuis son tout jeune âge, notre ami Ibud avait de vieilles habitudes : il adorait manger des gros gâteaux aux carottes !


Mais un jour, du haut de la colline, le Grand Roi des Lapins réunit tous ses conseillers. Il avait la santé et le bonheur de ses sujets à cœur ; il se demandait ce qu’il pouvait bien faire pour aider tous les petits lapins de son Grand Royaume. Se levant sur ses petites pattes, l’un des conseillers du Grand Roi proposa d’interdire les aliments mauvais pour la santé des lapins, sous peine de punition. Tous les lapins présents et le Grand Roi sautèrent de joie en entendant de leurs grandes oreilles cette idée ! En effet, tous se disaient que la santé était très importante et que puisque c’était pour faire le bonheur des habitants du Grand Royaume des Lapins, tout le monde serait aussi heureux qu’eux devant une idée si superbe !


Après des heures et des heures de discussion, il fut décidé que tout cela était une excellente idée et que tout le monde devait être au courant. Aussitôt dit, aussitôt fait ! De nombreux parchemins furent distribués aux quatre coins du Grand Royaume par les nouveaux agents de prévention de la santé des Lapins.


Un de ces agents se présenta au terrier d’Ibud en frappant 3 coups à sa porte. Ibud, qui venait tout juste d’engloutir une part de gâteau aux carottes, se dépêcha d’aller l’ouvrir. Aussitôt, l’agent se mit à lui expliquer l’interdiction des aliments mauvais pour la santé et, voyant un bout de gâteau au coin de la bouche d’Ibud, l’avertit qu’il devait arrêter de manger de la pâtisserie, sinon il pourrait se faire punir.


Sans attendre qu’Ibud eut répondu à cet énoncé, l’agent repartit au haut de la colline aussitôt que son discours fut terminé. Ibud, tout pantois, ne comprenait pas ce qu’il se passait. Il ne comprenait pas pourquoi le Grand Roi lui avait interdit de manger des gâteaux aux carottes, alors qu’il trouvait que ça goûtait si bon! Et puisque c’était une vieille habitude, et qu’à son âge, on ne changeait pas aussi facilement, il continua tout bonnement de manger ce qu’il aimait.


Quelque temps plus tard, sous l’ordre du Grand Roi, tous les agents repartirent partout à travers le Grand Royaume pour constater les nouveaux changements. Le même agent revint alors chez Ibud. Voyant que ce dernier continuait de manger son dessert, il lui donna furieusement une gigantesque amende ! Ibud ne comprenait pas pourquoi le Grand Royaume des Lapins le punissait pour avoir mangé quelque chose qu’il aimait ; il trouvait ça tellement injuste !


Si seulement le Grand Roi et ses conseillers avaient pensé à Ibud et à ses besoins ! S’ils s’étaient intéressés aux impacts de ce nouveau règlement et des malheurs que cela causerait à Ibud, ils lui auraient certainement demandé son avis et n’auraient pas causé autant de problèmes ! Sortons donc du haut de la colline pour aller en bas, et pensons à Ibud.


Pour remettre cette histoire dans son contexte, je l’avais originellement écrit en tant que court discours que je voulais présenter lors de ma dernière journée de la 68e édition du Parlement Jeunesse du Québec, en lien avec une éventuelle réforme du système de santé. Néanmoins, je n'ai pas eu l'opportunité de raconter ce récit cette journée-là, mais j'avais encore les notes écrites pour l'occasion. Lors des dernières semaines, je me suis rendu compte que ce conte collait bien avec ce que je voyais au Québec, où l'État décide d'agir sans vraiment se soucier des impacts que ses décisions et ses lois peuvent avoir au sein de la population. L'État ne devrait pas se cacher derrière sa volonté de favoriser le bien commun pour brimer les libertés individuelles, surtout si l’on veut prévenir certains comportements qui ne font aucune victime, sauf peut-être la seule personne qui commet l’action. Dans des limites raisonnables, l'État devrait laisser une plus grande liberté d'action aux individus et favoriser l'agentivité, l'autonomie et la responsabilité individuelle.


Ce texte a été lu pour la première fois lors d'un micro ouvert féministe, et ensuite publié comme chronique pour le Journal « Vote de Confiance » du Jeune Conseil de Montréal.



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