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Éline Lako

La solidarité sous les lueurs du jour


Individualisme, amour-propre, culte du moi, égocentrisme, égoïsme, narcissisme, nombrilisme, libéralisme, capitalisme. Oui, dans notre société, quoi qu’on puisse dire, chacun de ces termes est accepté, voire favorisé. La politique, l’art et l’économie sont des exemples de matières qui ont élaboré leur propre version de l’individualisme par les idées qu’elles ont su concevoir. Pour la politique, c’est de la liberté des modernes que découle cette priorisation de l’individu. Les gens ont la liberté de disposer de leur vie privée comme bon leur semble. Ils sont indépendants dans la manière dont ils gèrent leur existence. Les questions étatiques leur importent peu. Ils n’ont pas l’ambition de s’occuper de la collectivité et se laissent représenter. Ensuite, le romantisme est un courant artistique qui valorise la définition de soi par nul autre que soi-même. C’est l’idée d’agir sans se préoccuper des normes et des conventions sociales. Le monde intérieur est ce qui importe et c’est en le suivant qu’on apprend à se connaitre. Enfin, l’économie adopte la théorie de la main invisible d’Adam Smith. Chacun pense à son intérêt personnel lorsqu’il contribue au marché en produisant ou en achetant. Les gens collaborent à l’élaboration d’une société parce que c’est dans leur intérêt individuel. On peut ainsi conclure que l’individualisme détient une place bien privilégiée dans la société. Ironiquement, c’est en raison de cet individualisme que les gens sont liés et que la solidarité règne. Un exemple typique : la Covid-19. Les individus sont inquiets pour leur propre santé. Ils refusent de sortir, s’isolent dans leurs maisons et s’objectent à toute interaction sociale autre que virtuelle. C’est de cette manière que s’installe la solidarité : par égoïsme. C’est donc dire que cette valeur supposément noble est le fruit de ce qui est observé comme étant péjoratif par la vaste population. Cet égoïsme, cependant, a ici le mérite de sauver bien des vies. Malheureusement, contrairement à ce qui est constaté dans l’exemple de la Covid-19, les conséquences de la solidarité menée par l’égoïsme ne sont pas toujours positives. Le meilleur exemple pour illustrer cette idée, c’est la guerre. Elle se fait généralement en raison de la solidarité qui émane des soldats envers leur nation. La Seconde Guerre mondiale est un cas évident qui confirme cette idée. Les Nazis, suivant aveuglément Hitler, acceptent de passer à l’action et des millions de Juifs, personnes en situation d’handicap et homosexuels perdent leurs vies. Les Nazis ont fait preuve de solidarité envers Hitler qui leur promettait un avenir meilleur, une société prospère dont l’économie serait enviable. Alléchés par ces propositions, se visualisant un avenir meilleur pour leur propre personne, ces soldats ont vénéré la proposition du meurtre et l’ont accomplie. Bref, l’individualisme a poussé à la solidarité. Käthe Kollwitz, une artiste allemande du XXe siècle, a fait de la solidarité le sujet central de certaines de ses œuvres artistiques expressionnistes. Elle a vécu la Première et la Seconde Guerre mondiale. Cette atmosphère tourmentée lui est donc bien familière. Son œuvre principale ciblant le sujet de la solidarité s’intitule justement : « Solidarité ». Elle l’a créé en 1932 à partir d’un crayon lithographique. On y retrouve des hommes et une femme assis, les mains jointes et les bras entrecroisés. Il faut comprendre que bien que cette artiste ne se déclare pas adhérente à un parti politique quelconque, elle a des tendances socialistes bien marquées. Par l’intermédiaire de cette œuvre, elle réclame la solidarité entre les travailleurs soviétiques et allemands. Cette demande, bien risquée, aurait pu avoir des conséquences désastreuses comme il est advenu pour tant d’autres artistes. Elle aurait pu être envoyée dans un camp de concentration en raison de la forte résistance des Allemands contre le mouvement communiste. Néanmoins, même si elle a échappé de près à ce triste sort, fidèle à ses convictions, elle continue à créer des œuvres socialistes qui contreviennent au nazisme. En 1933, lorsque les Nazis arrivent au pouvoir, elle est contrainte de quitter ses fonctions à l'Académie prussienne des arts ainsi que son poste de directrice de la classe de graphisme. De plus, son droit d’exposer et de vendre ses œuvres lui a été retiré et elle est menacée de déportation. La solidarité, pourtant une notion universellement approuvée, une fois associée à une idéologie politique, peut apparaitre comme une menace. Dans le cas de Kollwitz, sa demande de solidarité associée au socialisme a été réprimée par les Nazis. Force est de constater qu’il faut encourager la solidarité, mais uniquement lorsqu’elle est bien placée et paisible. Comme le démontre l’exemple des soldats nazis, elle peut s’avérer être une arme à double tranchant puisqu’elle peut donner l’impression à l’individu de faire une bonne action alors que la réalité est toute autre. Néanmoins, elle peut aussi permettre de faire avancer la société vers la construction d’un monde meilleur, comme dans le cas de la Covid-19. Il est d’ailleurs à noter qu’elle ne peut exister par elle-même. Elle fait partie de ces valeurs qui doivent être associées à d’autres notions pour être véritablement présentes. C’est ainsi que certains associent la solidarité à l’individualisme, d’autres à une idéologie politique et d’autres encore, à la bonté authentique. Ainsi, la question se pose : faut-il faire preuve de solidarité en tout temps? Je vais me permettre de fournir la même réponse que m’ont toujours offert mes professeurs de droit : « ça dépend ». Oui, cela dépend de sa raison d’être, de l’intention de la personne qui l’exerce et des conséquences qui peuvent en découler.


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