top of page
Philippe Morneau

Un gros boom


L’explosion fut si violente qu’on aurait cru à une séance de médiation concernant la garde de trois enfants. Certains en ont profité pour s’insurger contre le nouveau Code de procédure civile.

Le 1er septembre dernier, au Cap Canaveral, une fusée Falcon 9 de SpaceX a explosé lors d’un test de routine au sol. Le Falcon 9 est plus impressionnant et plus important que le phallus du pavillon Roger-Gaudry puisqu’il devait emporter avec lui jusqu’en orbite géosynchronique (altitude à laquelle la vitesse d’un satellite lui permet de flotter au-dessus du même point sur la Terre) le satellite AMOS-6 d’un géant israélien des télécommunications, Spacecom.


Mark Zuckerberg n’était pas content parce que Facebook avait loué le satellite pour 95 M$, lequel devait prodiguer un géant dôme WiFi à l’Afrique subsaharienne afin de faciliter les communications humaines [1] et du même coup leurrer des millions d’internautes à aimer des photos sans importance. « L’Afrique noire devra donc s’armer de patience avant de liker la page Facebook de Stranger Things, » a indiqué une sommité des réseaux sociaux.


Quant à elle, Spacecom s’est dite amèrement déçue et qu’elle exige de SpaceX soit un remboursement de 50 M$ pour son satellite ou encore un prochain vol gratuit. Le porte-parole de Spacecom a avisé SpaceX que si l’entreprise américaine ne pouvait corriger la situation, il serait « forcé de faire la baboune. » « Ça fait déjà deux jours qu’on a pas de réponse. Le service à la clientèle est presque aussi pire que celui d’Air Canada », a-t-il renchéri [2].


Elon Musk, pdg de SpaceX, a indiqué qu’il s’agissait de l’échec le plus retentissant de l’existence de l’entreprise d’exploration spatiale, fondée en 2002, à un point tel qu’il a demandé l’aide du public via sa page Twitter pour tout enregistrement de la boule de feu [4]. Zuckerberg n’a pas commenté l’utilisation de Twitter par Musk. À la date de rédaction de cet article, en ce 15e anniversaire d’une série d’autres explosions qui ont bouleversé le monde, la cause de l’échec demeure inconnue.


Fait juridique intéressant, Spacecom avait fait assurer son satellite par une launch insurance. Ainsi, puisque la fusée était toujours au repos sur la plateforme de lancement au moment de l’explosion, une telle assurance ne couvrira pas la destruction de cette haute technologie. C’est le manufacturier, Israel Aerospace Industries, qui devra couvrir les pertes [5].


Les critiques de l’exploration spatiale privée se sont régalés devant cette flagrante embuche, d’autant plus qu’elle survient dans le cadre des activités de l’entreprise la plus prometteuse en exploration spatiale, notamment vu ses couts de lancement les plus bas de l’industrie [6]; passage obligé lorsqu’on constate la difficulté physique de lancer quoi que ce soit en orbite et lorsqu’on a l’ambitieux projet de créer une colonie autosuffisante sur Mars dans les prochaines décennies, et ce, dans le but de réduire les probabilités d’extinction de la vie humaine sur Terre [7]. Quand même pas pire. Un tel accomplissement serait marquant dans l’évolution de la vie terrienne, un moment comparable au développement de formes de vie multicellulaires et au passage de la vie marine à la terre ferme. En termes plus scientifiques, si l’homo sapiens sapiens vivait sur Terre et sur Mars, ça serait débile mental.


Gardons en tête cependant que l’émergence de l’exploration spatiale privée est une conséquence directe du laxisme des agences spatiales gouvernementales à travers le monde, NASA incluse. Par exemple, en 2010, SpaceX est devenue la première entreprise privée à ramener en bon état sur Terre un vaisseau spatial qui a navigué en orbite [8], alors que nous avons cessé de marcher sur la Lune en décembre 1972. Aussi, alors que depuis la fin du Space Shuttle program en 2011, la NASA paye les Russes pour envoyer ses astronautes vers la Station spatiale internationale, SpaceX cherche, dans la poursuite de la réduction de ses couts d’opération, à réutiliser ses vaisseaux, c.-à-d. les ramener sur Terre pour ensuite les réparer au besoin pour ensuite les relancer en orbite ou dans l’espace [9]. Et dire que j’ai osé croire qu’une carrière juridique serait des plus ambitieuses.


Dans le domaine de l’exploration spatiale, l’échec est inévitable (un échec sur dix tentatives est un taux considéré très acceptable) vu la complexité des défis d’ingénierie dans de telles conditions; il est donc surprenant que la catastrophe encourue ne se soit pas produite plus tôt surtout lorsqu’on compare la performance de SpaceX avec ses prédécesseurs [10].


Mais le plus excitant dans tout ça, c’est la chance que nous avons tous d’assister à une telle révolution au cours de notre vie! Chaque époque a certainement son lot d’évènements marquants, mais la propagation de notre espèce dans l’espace puis sur d’autres planètes et satellites naturels, sans négliger l’apport grandiose qu’auront les technologies de l’espace sur la vie humaine sur Terre, ont de quoi en faire rêver plus d’un. Mon père avait douze ans lorsqu’il a regardé Armstrong et Aldrin marcher sur la Lune et il capotait! L’exploration spatiale était partie prenante de la culture populaire durant les années 60 et début 70, période pendant laquelle tout jeune pouvait aspirer à une carrière en aérospatiale. Une génération plus tard, le rêve s’était ironiquement soit envolé à tous jamais dans le cosmos, soit abimé sur Terre.


Avec un certain recul, l’excitation pour l’exploration spatiale a bel et bien connu un pic de Kennedy jusqu’à Nixon, mais voilà qu’elle semble reprendre du terrain avec ces révolutions dans l’industrie aérospatiale. Au Smithsonian National Air and Space Museum, à Washington D.C., des modules lunaires, l’équipement des douze hommes qui ont marché sur la Lune dans le cadre d’Apollo et un paquet d’autres bébelles qui feraient d’excellents jouets à distribuer chez McDo tapissent le deuxième étage. De notre vivant, ce musée et plusieurs autres à travers le monde devront prendre de l’expansion pour suivre celle de notre espèce. Et après Mars, c’est pas fini. Si ça vous excite pas, je sais pas quoi faire avec vous.


Références

1. http://www.businessinsider.com/spacex-falcon9-explosion-facebook-satellite-amos6-2016-9; https://www.rt.com/viral/357920-spacex-amos-satellite-explosion/

2. http://www.reuters.com/article/us-spacex-blast-spacecom-idUSKCN11A0YV; http://www.cbc.ca/news/canada/nova-scotia/air-canada-policy-minors-air-travel-brian-truelove-1.3695893

3. http://s3.amazonaws.com/digitaltrends-uploads-prod/2016/09/spacex-explosion.jpg

4. http://www.space.com/34029-elon-musk-seeks-help-solving-rocket-explosion.html

5. http://qz.com/775481/how-to-insure-something-that-blows-up-once-every-twenty-times-you-use-it/

6. http://www.airspacemag.com/space/is-spacex-changing-the-rocket-equation-132285884/?no-ist

7. https://www.entrepreneur.com/article/238016; http://www.techinsider.io/how-elon-musk-will-colonize-mars-2016-4/#then-it-would-plunge-into-the-red-planets-atmosphere-traveling-so-fast-that-it-will-need-to-withstand-temperatures-of-around-3800-degrees-fahrenheit-2

8. http://www.nola.com/business/index.ssf/2010/12/company_is_first_to_return_spa.html

9. https://gizmodo.com/spacex-plans-to-finally-relaunch-a-rocket-this-fall-1781232334

10. http://spacenews.com/op-ed-despite-spacex-setback-future-of-private-space-exploration-is-bright/





117 vues0 commentaire
bottom of page