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Soleïca Monnier

Pourquoi les juristes d’aujourd’hui doivent-ils s’intéresser aux technologies de demain ?


Ça a débuté par des bruits de couloirs, puis ça a circulé jusque dans vos groupes de discussion. Il y a d’ores et déjà une maîtrise, puis un laboratoire dédié à sa recherche au sein de l’université. Le champ du droit des technologies de l’information est en plein essor, et ce, tous domaines juridiques confondus. Que vous pratiquiez en droit pénal, en droit des affaires ou encore en propriété intellectuelle, passer outre les avancées technologiques n’est plus une option envisageable. Un peu comme ce cours collégial de mathématiques que vous avez été obligés de compléter alors que vous saviez pertinemment vouloir orienter vos études vers le droit. Que l’on soit intéressé par ces bébelles-là ou pas, ça bourdonne tout autour de nous.


Il y a désormais un consensus, on parle d’une Quatrième révolution industrielle qui «bouleverse presque tous les secteurs d’activité, partout dans le monde. L’ampleur et l’importance de ces changements annoncent la transformation de systèmes entiers de production, de management et de gouvernance.». Bien que l’intelligence artificielle en soit une composante importante, il n’en reste pas moins que c’est une douzaine d’innovations technologiques émergentes qui portent cette révolution sociétale. Je tenterai donc de faire un survol des grands thèmes du domaine, avec comme objectif de piquer votre curiosité et de vous encourager à vous intéresser au monde du droit des technologies de l’information.


Débutons. Avec l’implémentation du Laboratoire de recherche en IA de Facebook, l’émergence de nouvelles entreprises consacrées au domaine telles qu’Element IA ou encore Imagia, l’encadrement responsable du développement de l’IA par la Déclaration de Montréal du 3 novembre 2017 et la présence d’experts de renommée mondiale – pour ne citer que Yoshua Bengio et Joëlle Pinault – Montréal s’impose comme pôle d’excellence dans la recherche, la formation, le transfert technologique et la création de produits à valeur ajoutée dans le secteur de l'intelligence artificielle. Attention, on ne parle pas d’intelligence artificielle générale reproduisant les facultés cognitives humaines, mais bien d’algorithmes incroyablement efficaces dans l’exécution de tâches spécifiques. Citons par exemple la reconnaissance faciale de l’iPhone X ou encore le marketing prédictif des géants de ce monde : Amazon, Netflix, Youtube, Google, et j’en passe. Même si la crainte environnante est omniprésente quant à l’impact de cette nouvelle technologie, nous sommes encore loin d’Ex Machina.


L’arrivée d’Uber en 2009 nous a enseigné la nécessité d’anticiper les enjeux juridiques liés l’essor des nouvelles technologies. Ainsi, la rapide implantation de l’IA fait présager l’urgence de l’élaboration d’un cadre juridique pour son développement et pose la genèse d’une foule de questionnements. Quel régime de responsabilité pour les machines ? Quelle administration pour la création intellectuelle de ces biens meubles? Comment protéger le droit à la protection de la vie privée, particulièrement pour les données personnelles vendues et revendues sur l’Internet des objets (1) ? Ces enjeux sont au cœur des préoccupations des juristes spécialistes en technologies de l’information, mais pas que…


Les cryptomonnaies grouillent. Et leur technologie première, la blockchain, se répand comme une traînée de poudre dans le milieu de l’innovation. Cette technique de «stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle […] peut être assimilée à un grand livre comptable public, anonyme et infalsifiable». Elle est aujourd’hui utilisée sur un éventail de supports beaucoup plus étendu que celui des monnaies virtuelles telles le Bitcoin. Par exemple, les Smart Contracts ouvrent la porte à de grandes avancées en droit des obligations. Ce sont des contrats à exécution automatisée par des instructions préprogrammées basées sur la technologie blockchain – surtout envisagés dans le domaine assurantiel. Plus besoin, donc, de réclamer de votre assureur le paiement du montant de l’indemnité post-sinistre, celle-ci vous est automatiquement versée lorsque les conditions de déclenchement de l’algorithme préalablement établies sont remplies. Cette technologie fait toutefois planer de nouvelles incertitudes sur notre appareil judiciaire : les officiers de justice devraient-ils être formés au codage afin de gérer les différends qui en découlent ?


Finalement, la publication de contenus indésirables sur les réseaux sociaux suscite l’apparition de nouvelles problématiques juridiques qui s’étalent au droit pénal. En effet, la criminalisation de la cyberintimidation et plus particulièrement du revenge porn est un comportement de plus en plus populaire chez les gouvernements nord-américains. Les chiffres qui en sont à l’origine sont frappants : «selon un sondage réalisé aux États-Unis, à la suite d'une rupture, une personne sur dix aurait fait l'objet de menaces par un ex-partenaire quant à la publication d'images intimes sur le Web et de ce nombre, 60 % ont mis leur menace à exécution» (2) . Le législateur canadien a donc permis l’entrée en vigueur de la loi C-13 en 2015, Loi sur la protection des canadiens contre la cybercriminalité qui met sur pied une nouvelle infraction et criminalise la distribution non consensuelle d’images intimes.


Voilà donc ce qui achève le survol des quelques sujets contemporains du droit des technologies de l’information. Bien que cette brève présentation ne puisse revêtir un caractère exhaustif, j’espère qu’elle aura pu vous mettre la puce à l’oreille quant à l’étendue des sphères juridiques que ce domaine touche. Je vous le garantis, ce n’était pourtant que la pointe de l’iceberg. Un bon nombre d’autres sujets comme le right to be forgotten, la responsabilité des intermédiaires sur Internet et la protection des données personnelles pourraient vous intéresser. Quoi qu’il en soit, le droit des technologies de l’information a besoin de plus d’experts. Pourquoi pas vous ?


Si vous désirez en savoir plus, de nombreux événements sont offerts dans vos universités montréalaises et ailleurs. Notamment, le comité Technologie de l’information du Jeune Barreau de Montréal a le plaisir de vous convier à la 12e édition de la Conférence Legal.IT, un évènement qui se déroulera le 23 mars 2018 au Centre des Sciences de Montréal. La conférence est un incontournable pour les professionnels œuvrant dans les technologies. En plus des conférences, Legal.IT est aussi l’occasion pour les professionnels, créateurs numériques et investisseurs engagés dans l’innovation de se rencontrer et de discuter. Les conférences seront également suivies d’un cocktail. Avec preuve du statut d’étudiant ou de stagiaire, vous bénéficiez d’un prix (très) réduit. Pour vous inscrire, cliquez ici.


(1) En anglais, Internet of things (IoT) « représente les échanges d'informations et de données provenant de dispositifs du monde réel avec le réseau Internet »


(2) Sondage cité par Marie-André Boutin-Clairmont et réalisé par l'éditeur de logiciels McAfee auprès de personnes âgées entre 18 et 54 ans : « Lovers beware – scorned exes may share intimate date and images online » (4 février 2013), en ligne : http://www.mcafee.com/us/about/news/2013/q1/20130204-01.aspx [Sondage McAfee].


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