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Gregory Leone

De l'actualité du droit international privé



Le 12 février dernier, la nouvelle que le chanteur défunt Johnny Hallyday avait déshérité par testament ses enfants issus de ses deux premiers mariages a secoué le Tout-Paris. Il appert que M. Hallyday a rédigé un testament olographe en 2014 (1) qui révoque tout testament antérieur et l'a soumis à la loi de la Californie, qui permet l'exhérédation des enfants d'un défunt. Cette possibilité n'existe pas en droit français en raison de la réserve héréditaire. La réserve peut se résumer de la manière suivante: les enfants d'un défunt ont le droit à une certaine quote-part dans la succession. Une affaire similaire a été jugée par la Cour de cassation en septembre 2017. En effet, dans un arrêt rendu le 27 septembre 2017, la Cour a conclu que, parce qu'un compositeur défunt avait coupé les liens avec la France depuis 1965, ce dernier pouvait soumettre son testament à la loi californienne (2). Au-delà des enjeux émotifs et financiers liés à l'affaire Hallyday, cette dernière est l'occasion de parler du Règlement européen sur la loi applicable aux successions, entré en vigueur le 17 août 2015 (3). De plus, nous ferons un lien avec le Québec.


Ce Règlement, qui comporte 84 articles, a unifié les règles de droit international privé pour la loi applicable aux successions de personnes qui sont ouvertes le 17 août 2015 ou après. De ce fait, les ressortissants des pays membres de l'Union européenne ou les étrangers possédant des biens dans un ou plusieurs des pays membres sont touchés par ce règlement. Le Règlement s'applique donc à la succession Hallyday contrairement à la succession Maurice Jarre qui a été ouverte en 2009. Selon l'article 21-1 du Règlement, la loi applicable à l'ensemble d'une succession, quand le testateur n'a pas fait de choix de loi, est celle de l'État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès. L'article 21-2 vient apporter une exception en prévoyant que si la loi désignée en vertu du paragraphe 1 n'a pas de lien manifestement étroit avec le défunt, alors la loi applicable est celle de l'État avec lequel le défunt entretenait de tels liens. L'article 22-1 permet au testateur de choisir la loi applicable à l'ensemble de sa succession à la condition que cette loi soit celle de l'État dont il possède la nationalité au moment du choix ou au moment de son décès. Le choix de la loi doit être fait de manière expresse dans le testament (art. 22-2). Le testament doit respecter les conditions de fond de la loi choisie (art. 22-3). L'article 23-2 précise la portée de la loi applicable désignée soit par l'article 21 ou 22 : moment d'ouverture de la succession, capacité de succéder, exhérédation, indignité successorale, les pouvoirs du liquidateur, etc. L'application de la loi désignée peut être écartée à la condition que cette loi soit manifestement incompatible avec l'ordre public du for (art. 35). L'article 83-2 est très pertinent, car il prévoit que, lorsqu'un testateur décède le 17 août 2015 ou après, mais a rédigé son testament avant cette date en faisant un choix de loi, ce choix doit respecter l'article 22-1 ou les règles de droit international privé en vigueur au moment du choix dans l'État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle ou de tout État dont il possédait la nationalité.


Certains diront : quel est le lien de tout cela avec le Québec ? De prime abord, ce lien peut certes sembler ténu. Toutefois, le dénominateur commun est le droit international privé. Le livre X du Code civil du Québec, qui organise le droit international privé québécois, est peu connu, en dehors de certains praticiens et professeurs de droit. Pourtant, dans la vie de plusieurs Québécois, ce domaine de droit est présent : pensons notamment à ceux qui possèdent une résidence sous les palmiers de la Floride, à ceux soumis à un régime matrimonial d'un pays étranger et aux petites et moyennes entreprises qui font des affaires à l'international. En raison du contexte actuel où les individus possèdent des biens mobiliers et immobiliers dans plusieurs juridictions, et circulent à travers le monde comme jamais dans l'histoire humaine, le droit international privé devient un outil que les juristes doivent maîtriser afin de prévenir des situations potentiellement fâcheuses. Dans une perspective juridique du 21e siècle, cette branche du droit privé doit être à l'avant-garde de l'accompagnement des personnes qui se situeront dans la lignée du refrain de cette célèbre chanson de Félix Leclerc: « Moi, mes souliers ont beaucoup voyagé. »


Références

Image: https://fr.wikipedia.org/wiki/Johnny_Hallyday#/media/File:Johnny_Halliday_-_Illustration_de_l%27album_Hollywood_(couverture).jpg

(1)http://www.lepoint.fr/people/johnny-hallyday-revelations-sur-un-testament-12-02-2018-2194343_2116.php (page consultée le 13 février 2018)

(2) Arrêt n°1005 du 27 septembre 2017 (16-17.198)-Cour de cassation-Première Chambre civile: c'est l'affaire de la succession du compositeur Maurice Jarre.

(2) RÈGLEMENT (UE) No 650/2012 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 4 juillet 2012, Journal officiel de l'Union européenne, L-201/107.


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